Je ne dispose d'aucun recensement des arrestations pour motif économique. On en connaît deux célèbres – celle de M. Pierucci et celle de M. Ghosn –, avec les conséquences que l'on sait pour les entreprises concernées.
Lorsque M. Pierucci a été arrêté, je n'ai pas été alerté par le consul, qui lui a pourtant rendu visite dans sa geôle. Alors que je recevais quantité de télégrammes diplomatiques du monde entier sur des sujets microscopiques, aucun ne m'est parvenu sur la situation de M. Pierucci. C'est un point d'alerte : le réseau diplomatique n'a pas fait son travail. Il doit être en état de veille permanente sur l'ingérence économique.
M. Pierucci n'a pas cédé, et il faut en rendre hommage à son patriotisme face à la pression qu'il subissait pour plaider coupable et incriminer son entreprise ainsi que ses dirigeants, dans le but de permettre un rachat d'Alstom à prix cassé – c'est ce qui s'est passé malgré tout. M. Pierucci a raison de parler de prise d'otage légale. Il a refusé de pactiser avec le procureur de général de New York, lequel lui proposait de devenir agent secret pour le compte des États-Unis et de trahir une entreprise française. Tel était le prix de son maintien en liberté, si j'ai bien compris. On est en droit de s'interroger sur l'absence de réaction diplomatique sérieuse.
Lors de la conférence de presse que les deux chefs d'État ont tenue à l'issue de la visite du président français, l'affaire Snowden a été évoquée d'une phrase : je le raconte dans le petit opuscule que j'ai cru devoir écrire pour que l'on se souvienne des leçons à tirer de cette période. Alors qu'il s'agissait d'une ingérence majeure, le sujet n'a donné lieu à aucune réaction d'ampleur. Ce qui s'est passé à l'époque me paraît extrêmement grave. Nous n'avons eu connaissance de l'ingérence américaine que grâce à M. Snowden, et nous en avons vu les conséquences à travers le sort réservé à M. Pierucci.