À l'époque nous étions engagés dans une politique de coopération étroite, à la fois politique et économique, avec la Russie. Accompagnant le Président de la République, j'ai le souvenir de débats assez agités avec M. Poutine du fait de nos divergences de fond, mais nos deux nations coopéraient, y compris dans le secteur nucléaire – Rosatom et Areva travaillaient ensemble –, secteur dans lequel la collaboration se poursuit en dépit des événements ukrainiens puisqu'il est exempt de sanctions.
C'est moi qui suis allé chercher des investisseurs en Russie. Pour mener à bien la nationalisation des hauts fourneaux de Florange j'ai fait, pour ainsi dire, le tour du monde ; j'ai demandé à dix de nos ambassadeurs auprès de pays où étaient installées des industries sidérurgiques – Brésil, Italie, Russie, Canada et Japon, notamment – de prendre contact avec de potentiels co-investisseurs à la reprise des hauts fourneaux qu'ArcelorMittal abandonnait lâchement. Je me souviens d'une discussion avec un industriel russe qui avait été candidat malheureux face à Mittal dans l'offre publique d'achat (OPA) que celui-ci avait réussie quelques années plus tôt.
Nous étions dans un univers purement coopératif et, j'allais dire, amical. Nos positions très divergentes sur la Syrie n'empêchaient pas une coopération active dans tous les segments de l'action publique. Jean-Pierre Chevènement avait d'ailleurs été nommé par le Président de la République pour assurer le lien permanent entre les autorités russes et françaises, à l'instar de Jean-Pierre Raffarin avec la Chine. Un choix politique avait été fait, qui guidait tout le reste. Mais c'était une autre époque.
S'agissant des pays du Golfe, je me rappelle l'affaire du fonds Banlieue financé par le Qatar. Il était pour le moins curieux qu'une puissance étrangère se substitue à l'État défaillant pour sauver les banlieues françaises. Le projet a donc été réajusté.
C'est nous qui allions discuter avec les Émirats arabes unis, où la France dispose d'une base militaire. J'ai effectué un voyage officiel avec le Président de la République au cours duquel nous discutions avec les détenteurs de fonds ; ils nous interrogeaient sur l'économie française et sur la capacité de notre pays à accueillir leurs éventuels investissements. Là aussi, la coopération était active et amicale, même si Areva avait échoué à construire une centrale nucléaire dans le pays.