Les acteurs comme Evgueni Prigojine sont en quête de visibilité. Plus l'on parle d'eux et mieux ils se portent. C'est pourquoi ils laissent parfois délibérément des traces numériques. Par exemple, lors de l'affaire de Gossi, les médias de Prigojine ont ouvertement indiqué que l'armée française était responsable d'un charnier. Cela relève d'un enjeu de réputation à la fois en Afrique et en Ukraine. Evgueni Prigojine répète que c'est bien Wagner et non l'armée russe qui a repris la ville de Bakhmout. Il est également content de répéter qu'il a bouté les Français hors de leur pré carré.
L'« hygiène numérique » signifie que lorsqu'on documente les opérations d'influence, il faut garder à l'esprit que leur médiatisation peut devenir une composante de l'opération d'influence elle-même. Lorsque Jeune Afrique a démontré que la diffusion de clips comme le « rat Manu » était le fait d'opérations d'influence, cela a entraîné une hausse très importante de la consommation de ces contenus. Dans ce type de situation, l'hygiène numérique pourrait consister à ne jamais partager ou retwitter le compte ayant diffusé l'information. En tout état de cause, il est souhaitable de ne pas réagir trop rapidement et d'attendre d'obtenir suffisamment d'éléments pour agir.
Plusieurs dispositifs ont été mis en place ces dernières années pour lutter contre ce phénomène. Je pense notamment aux initiatives conduites au ministère des armées. De manière générale, je crois que nous serons de toute façon beaucoup plus efficaces pour lutter contre la désinformation si nous recourons à des acteurs issus de la société civile, associatifs notamment, plutôt qu'à des acteurs étatiques. L'éducation aux médias est un enjeu de politique publique majeur qui ne peut se concevoir que sur le long terme. Les nouvelles photographies créées par des intelligences artificielles pourraient poser problème un certain temps avant que les populations ne soient capables de les identifier.