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Intervention de Jean-Maurice Ripert

Réunion du jeudi 30 mars 2023 à 15h30
Commission d'enquête relative aux ingérences politiques, économiques et financières de puissances étrangères-États, organisations, entreprises, groupes d'intérêts, personnes privées-visant à influencer ou corrompre des relais d'opinion, des

Jean-Maurice Ripert :

Il est vrai que lorsque, en ma qualité d'ambassadeur, j'organisais pour les entreprises, les présidents d'universités et les patrons de laboratoires de recherche français des séances de sensibilisation aux risques, et que, dans le même temps, je découvrais qu'un ancien Premier ministre siégeait au conseil d'administration d'entreprises russes d'hydrocarbure et de pétrochimie, ou un ancien ministre à celui de Huawei France, j'étais surpris que l'on puisse ne pas réagir.

Mais il faut s'entendre : on n'a pas davantage à se méfier des téléphones Huawei que des téléphones Apple ou d'autres marques. Sont en cause les infrastructures de communication, les centres de formation et leur exploitation. Si vous tracez la carte des lieux où, dans le cadre de leur fameuse initiative « La Ceinture et la route », les Chinois implantent des relais radio et des centres de formation et contrôlent les installations de radiodiffusion, vous observez une courbe parfaite entre Djibouti et le Cap Vert qui vous donne une idée précise de ce qu'ils recherchent. Là est le problème. Pour Gazprom, c'est plus compliqué parce que le prix du gaz et la dépendance de l'Europe au gaz russe étaient tels que l'on pouvait effectivement soupçonner que tout cela n'était pas très net.

La société française ne craignant pas les contradictions, on vous explique à la fois que l'on doit pouvoir faire ce que l'on veut et que l'État doit nous protéger. Or je tiens pour une évidence qu'il n'y a pas de protection contre l'influence étrangère, les ingérences et les manipulations de l'information sans mobilisation de la société ; le législateur a donc son rôle à jouer. Faut-il durcir la législation anti-pantouflage ? Pour ma part, je me suis donné pour règle de ne travailler que pour l'État ; je refuse de travailler pour des intérêts privés. Faut-il allonger la période pendant laquelle un départ vers le secteur privé n'est pas autorisé ? Peut-être, mais je ne sais pas si ce serait très efficace. Vous pouvez toujours contourner la loi et donner des conseils à qui vous voulez, et l'on ne peut surveiller tous les contrats – ils doivent se compter en centaines, sinon en milliers – passés par toutes les organisations de conseil appartenant à d'anciens hauts fonctionnaires ou hommes politiques. En revanche, il faut certainement être beaucoup plus strict et beaucoup plus ferme quand on découvre des relations transactionnelles, comme vous disiez, et donc des prises illégales d'intérêts.

Il faut aussi former les Français aux enjeux du renseignement et de la sécurité. Le sujet n'a rien de tabou, et il ne concerne pas seulement les méchants Américains, les méchants Russes ou les méchants Chinois : ce peut être n'importe qui. Je vous assure que d'autres pays ne sont pas en reste en ce domaine, et ce ne sont pas forcément ceux auxquels on pense. Un effort collectif est nécessaire et la loi peut certainement nous y aider. Je ne sais pas comment tranchent les commissions chargées d'auditionner les hauts fonctionnaires sur le départ vers le secteur privé, mais il ne faut pas s'en prendre qu'aux fonctionnaires qui, en France, ont bon dos. Celui qui a dirigé une entreprise ayant eu des contrats avec l'État ou vivant essentiellement de contrats d'État exercera la même influence, et il en va de même dans le milieu culturel. Il est difficile de savoir comment tracer des limites.

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