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Intervention de Cécile Vaissié

Réunion du mercredi 29 mars 2023 à 16h30
Commission d'enquête relative aux ingérences politiques, économiques et financières de puissances étrangères-États, organisations, entreprises, groupes d'intérêts, personnes privées-visant à influencer ou corrompre des relais d'opinion, des

Cécile Vaissié, professeure des universités en études russes et soviétiques, directrice du département de russe, à l'université Rennes 2 :

Je ne connais pas vos positions concernant les sanctions. Je n'ai pas voulu vous mettre en cause, pas plus que des personnes autres que celles dont j'ai sciemment cité les noms.

Certains peuvent sincèrement aimer Vladimir Poutine, ou intellectuellement considérer que certaines sanctions sont efficaces ou inefficaces. Je sais, pour y avoir travaillé, que vous aurez – tout autant que la justice – énormément de mal à prouver que des propos ont été tenus parce que de l'argent a été versé ou parce que des cadeaux ont été offerts. D'une part, ce n'est pas le cas de tout le monde. D'autre part, les transactions ne se font pas sur les comptes bancaires habituels.

J'admets que l'on ait des positions différentes des miennes, a fortiori quand je ne peux pas prouver qu'elles résultent d'une influence. En revanche, regarder ce qui se passe dans d'autres pays n'est pas un manque de rigueur académique. Face à une situation opaque, avec une variété d'acteurs aux motivations différentes, allant des plus sincères et affectives jusqu'aux plus cyniques et intéressées, l'on aurait tort de ne pas regarder ce qui se passe à l'extérieur en considérant que si les Russes essaient d'acheter des journalistes ailleurs, je ne vois pas pourquoi ils n'essaieraient pas en France.

Certes, nos institutions sont là pour nous protéger de ce type d'action. Mais les journées que nous venons de vivre indiquent qu'il existe de réelles fragilités dans la société française – que je ne mets pas sur le compte du Kremlin. Le rapport des Français avec leur classe politique est délicat – vous en serez d'accord avec moi, monsieur le président. Sans entrer dans les détails, car ce n'est pas notre sujet, je suis frappée par le manque de confiance. Certes, nos institutions et notre République fonctionnent. Mais, pour avoir suivi ce qui s'est passé en Grande-Bretagne avec le Brexit ou ce qui s'est passé en Ukraine, je puis affirmer que la situation peut très vite basculer. Certes, ce qui se passe à l'étranger n'arrive pas nécessairement en France, mais se draper dans l'idée que nos institutions et notre liberté d'expression nous protègent serait nier la dégradation du débat public et du rapport aux institutions et aux autorités. Je n'ai jamais vu un tel degré d'agressivité et de haine dans la parole publique. La France est fragile. Cette fragilité n'est pas créée par le Kremlin. Elle est interne. Mais certains ont démontré que des ingérences du Kremlin ont eu lieu en Grande-Bretagne pour provoquer le Brexit. Je regarde ce qui se passe chez mes voisins, et j'estime que nous ne sommes protégés contre rien du tout. Un grand nombre de Français sont allés à l'école et croient pourtant que la Terre est plate.

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