Pour ce qui concerne les entreprises, ce qui intéresse les Chinois, ce n'est pas de faire de l'ingérence ou de les utiliser comme relais d'influence, c'est la captation licite ou illicite de technologies. Là encore, je ne suis pas sûr que notre système administratif soit équipé pour y faire face.
En matière politique, la stratégie chinoise, comme dans tous les pays, est d'entretenir des relations avec toutes les parties prenantes. Le département des liaisons internationales a désormais pour mission de tisser des liens avec l'ensemble des partis politiques, et non plus, comme c'était le cas historiquement, avec les seuls partis communistes – ce qui explique ses relations très étroites avec la Corée du Nord, le Laos, le Cambodge, Cuba ou le Vietnam, pays où il joue un rôle presque plus important que le ministère des affaires étrangères. En France, par exemple, un accord a été signé il y a une dizaine d'années entre l'UMP et le Parti communiste chinois : vous conviendrez que c'est un peu particulier.
La Chine organise souvent à Pékin des réunions avec des partis politiques étrangers : elle l'a encore fait il y a trois semaines, je n'ai pas vérifié s'il y avait des Français ; je me suis dit qu'il n'y en aurait pas mais peut-être que Jacques Cheminade était présent puisque les médias d'État chinois l'utilisent souvent. Les responsables chinois ont compris qu'il est désormais plus difficile d'inviter les partis des pays démocratiques, parce que la surveillance est plus étroite. En France, l'état d'esprit a beaucoup évolué au cours de la dernière décennie : il y a cinq ou dix ans, il était intéressant d'être proche de la Chine, alors qu'actuellement, il faut s'en distancier – ce que l'on peut regretter par certains aspects. Certains entrepreneurs politiques utilisent la Chine dans leurs combats. Face à ce changement d'état d'esprit, l'attitude chinoise s'est également modifiée : en Afrique ou en Asie du Sud-Est, les liens des partis politiques avec la Chine sont omniprésents ; des femmes et des hommes politiques des pays émergents sont formés en Chine où ils suivent des séminaires.
Les Chinois ratissent large en France et cherchent à développer des relations avec tous les partis, même si les formations les plus susceptibles d'arriver au pouvoir occupent une place plus importante dans leur esprit. Si un diplomate chinois vous approche, ayez en tête qu'il n'est pas forcément diplomate ; certains services peuvent vous aider à le savoir, mais il faut être prudent. Dans ce type de rencontre, le plus important est la transparence : je ne critiquerai jamais un député d'avoir rencontré Lu Shaye – c'est même son rôle de le faire, surtout s'il fait partie du groupe d'amitié France-Chine –, mais ces entretiens doivent être connus. Les Chinois ne veulent pas de transparence : ils vont rendre public un déjeuner organisé avec un groupe d'amitié car cela montre leur importance, mais ils ne voudront jamais parler des entretiens bilatéraux car ils n'y ont aucun intérêt. Faut-il une transparence totale comme au Parlement européen, où les élus doivent déclarer toute rencontre avec une représentation étrangère ? Je n'ai pas d'opinion sur la question, mais les services devraient au moins prévenir les parlementaires que les personnes qu'ils rencontrent ne sont pas toutes des diplomates.