Je pense qu'il a eu un impact, mais la dynamique existait déjà. La prise de conscience de notre vulnérabilité par les administrations a commencé il y a quelques années.
L'un de mes combats, c'est la PPST, la protection du potentiel scientifique et technologique. Il ne suffit pas de faire du screening avec des mots clés : dans le cas de la Chine, les acteurs vont utiliser des faux noms. Il faut savoir identifier les structures chinoises, les situer, examiner les liens éventuels qu'elles entretiennent avec des acteurs militaires ou autres. C'est un travail fatigant, qui suppose une capacité d'expertise. Il faudrait dire aux administrations qu'il est prioritaire et leur donner les moyens de le faire.
Nous vivons un moment clé. Les pays anglo-saxons ont fermé leurs frontières aux coopérations sensibles, ils sont en train de réduire les échanges avec la Chine dans les domaines sensibles, notamment pour tout ce qui a trait aux technologies. Les Japonais font ce travail depuis longtemps. L'Europe continentale, mal protégée, est considérée par la Chine comme le ventre mou. Or celle-ci, si elle devient de plus en plus autonome, a encore besoin d'accéder à des technologies étrangères. De nombreuses coopérations avec la Chine portent sur des domaines beaucoup trop sensibles. Par exemple, les « sept fils de la défense nationale », c'est-à-dire les sept universités chinoises qui forment les ingénieurs de l'armement, ont conclu de nombreux partenariats avec la France. Et la France est le pays qui compte le plus de doubles masters avec l'université d'aéronautique Beihang. Tout cela pose un problème de fond.
Je ne suis pas pour autant partisan de mettre fin à toutes les coopérations avec la Chine et de fermer la porte aux étudiants chinois. Mails il faut être plus précautionneux dans les secteurs considérés comme sensibles et stratégiques et donner plus de moyens financiers et humains aux acteurs chargés de réaliser des contrôles.
S'agissant des résultats du rapport, il faut procéder à une sensibilisation active, et que la DGSI aille au contact. En France, les universitaires et les membres des ONG ont tendance, lorsque les services de renseignement viennent les voir, à leur répondre qu'ils ne font pas le même métier qu'eux et à refuser de leur parler. Or personne ne demande aux ONG ou aux chercheurs de travailler pour les services. En revanche, les seconds peuvent sensibiliser les premiers à certains risques, dont tous n'ont pas nécessairement conscience. Il ne s'agit pas d'interdire à quiconque de travailler sur la Chine ; l'enjeu est de signaler, par des exemples concrets, les risques d'instrumentalisation.
Comprenez-moi bien. Je ne dis pas qu'il faille se méfier systématiquement des étudiants chinois. Nombreux sont ceux qui suivent mon cours à Sciences Po. On me signale parfois que tel ou tel fait partie de la Ligue de la jeunesse communiste chinoise, mais peu m'importe : je ne vais pas modifier mon cours en fonction des personnes qui se trouvent dans la salle. Et il arrive souvent que des étudiants, même membres du Parti, viennent me voir à la fin de mon cours pour me féliciter d'être objectif et de donner à la fois la vision chinoise et celle des autres pays.