Mes chers collègues, nos auditions de cet après-midi sont de nouveau consacrées à l'expertise géopolitique. Les trois personnes que nous entendrons consacrent leur vie à mieux comprendre le monde qui nous entoure et à éclairer les citoyens et les législateurs que nous sommes.
Les spécialistes que nous avons entendus au début de nos travaux ont tous appelé notre attention sur l'agressivité croissante des puissances autoritaires ou totalitaires, des dictatures et des tyrannies, qui cherchent à s'ingérer dans les affaires des démocraties occidentales, en particulier dans celles de la France. Ils nous ont notamment alertés quant aux pressions exercées à l'encontre des chercheurs et géopoliticiens qui prennent ces puissances pour objet d'étude.
Cette agressivité se manifeste de plus en plus par des attaques publiques, notamment sur les réseaux sociaux, et par des tentatives d'intimidation et des refus de visa visant à empêcher ce travail de recherche. Dans certains pays comme l'Iran, cette volonté s'est même manifestée par des prises d'otages. Elle prend aussi la forme de plaintes en diffamation ou de procédures judiciaires ayant pour objectif de gêner le travail des chercheurs et de jeter le doute sur le sérieux de leurs travaux académiques ainsi que sur leur impartialité. Tout cela a pour effet de multiplier les tracas moraux et financiers subis par les chercheurs – on sait que celles et ceux qui se consacrent à la recherche publique, notamment en France, n'ont pas des salaires mirobolants et que toute procédure judiciaire engagée à leur encontre peut leur poser des problèmes dramatiques.
Nous avons tout d'abord le plaisir d'accueillir M. Antoine Bondaz, chargé de recherche à la Fondation pour la recherche stratégique (FRS).
Monsieur Bondaz, je vous remercie d'avoir répondu à l'invitation de notre commission d'enquête. Vous êtes spécialiste de l'Asie et de l'Extrême-Orient, en particulier de la Chine, de la Corée du Nord et de la Corée du Sud. Vous avez été la cible d'attaques publiques particulièrement violentes de la part de l'ambassadeur de la République populaire de Chine en France, M. Lu Shaye, alors que vous démontriez les pressions exercées par son pays pour empêcher le déplacement d'une délégation de sénateurs à Taïwan. C'est à ce titre que le bureau de notre commission a proposé de vous auditionner à huis clos – non pas que vous ayez à nous communiquer des informations de la même nature que celles des services de renseignement français, mais pour éviter que les images de nos travaux ne soient détournées pour alimenter des turpitudes semblables à celles que vous avez subies. Je précise que ce huis clos n'a pas été décidé à votre demande et que vous n'avez pas sollicité de traitement particulier.
Nous serons heureux d'entendre vos explications sur cette affaire ainsi que votre analyse des stratégies d'ingérence des puissances d'Extrême-Orient dans le fonctionnement de notre démocratie. J'aimerais aussi que vous nous décriviez votre expérience personnelle, non par curiosité mal placée mais pour comprendre comment ces puissances opèrent vis-à-vis de nos chercheurs. Vous nous direz comment vous avez vécu l'affaire que j'ai évoquée, le but de ceux qui utilisent de tels procédés étant de faire vivre une expérience désagréable – pour ne pas dire autre chose – à ceux qui les subissent.
L'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc à lever la main droite et à dire : « Je le jure. »