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Intervention de Thierry Mariani

Réunion du mardi 28 mars 2023 à 16h00
Commission d'enquête relative aux ingérences politiques, économiques et financières de puissances étrangères-États, organisations, entreprises, groupes d'intérêts, personnes privées-visant à influencer ou corrompre des relais d'opinion, des

Thierry Mariani, député européen, ancien ministre, ancien député :

Au Parlement européen, cette commission s'appelle INGE. Normalement, les commissions ad hoc ont une durée de vie limitée, d'un an je crois. Il y a donc eu INGE 1 et, comme elle a été reconduite, INGE 2. J'ai été membre de INGE 1 et, pour être tout à fait honnête, mon assiduité est allée en diminuant quand j'ai compris que le président était surtout obsédé par deux ou trois pays, en l'occurrence la Russie, la Chine et l'Inde, et que les spécialistes qui étaient invités appartenaient toujours à la même catégorie.

Le Parlement européen est secoué par une affaire de corruption qui touche principalement le groupe socialiste, celui de M. Glucksmann, et qui met en cause deux pays et surtout le Qatar. Or il n'a jamais été question du Qatar dans cette commission. À la place de M. Glucksmann, je me demanderais si je n'ai pas été à côté de la plaque.

Qu'est-ce que l'ingérence ? J'ai effectivement entendu les chiffres que vous avez mentionnés. Ils sont jetés par des experts mais ils ne s'appuient sur rien. Chaque État essaye de développer son soft power et d'exercer une influence dans d'autres États. Vous avez, à plusieurs reprises, fait référence à mes invitations à l'étranger. Vous le savez, la France fait exactement pareil, avec des moyens hélas plus modestes. À moins qu'il n'ait été supprimé, le Quai d'Orsay propose le programme d'invitation des personnalités d'avenir. J'ai passé des années à les recevoir. Il s'agit de personnalités repérées dans leur pays par les ambassadeurs, qui les invitent, avec les crédits de plus en plus modestes dont ils disposent, à découvrir la France, généralement pendant une semaine, et à rencontrer un certain nombre de personnes avec qui ils pourraient travailler.

Tous les pays font des invitations. La France ne le fait pas assez, mais elle le fait aussi, heureusement.

Si vous me le permettez, monsieur le président, je voudrais brièvement vous raconter mon histoire personnelle. Quel a été le premier pays qui m'a invité, et quels sont ceux qui m'ont le plus invité ?

J'ai participé à la première université des jeunes du RPR en août 1984. Un mois après, j'ai été contacté par un conseiller politique américain, qui m'a proposé de faire partie du Visitors Program, qui a ensuite été amélioré pour devenir le Young Leaders Program. Alors que j'étais juste délégué jeunes, c'est-à-dire rien du tout, j'ai été invité un mois aux États-Unis, avec 100 dollars par jour. Quatre jours étaient obligatoires à Washington pour découvrir les institutions, puis j'ai pu choisir où je voulais aller : à Cleveland pour la sidérurgie, avant d'assister à la convention démocrate à San Francisco.

Il se trouve que les cinq personnalités sélectionnées dans la formation à laquelle j'appartenais s'appelaient François Fillon, Michel Barnier, Alain Carignon, Michel Noir et Thierry Mariani. Je suis le « petit », mais les Américains sont tout de même assez doués !

Ces voyages-là ont toujours existé. Pendant les vingt-cinq ans où j'ai siégé dans cette maison, le pays qui m'a le plus invité a certainement été Israël. Mon ami Éric Raoult organisait des voyages de découverte des institutions en Israël.

C'est une grave erreur de considérer qu'accepter des invitations à l'étranger est une faute. Il faut de la transparence, mais il ne faut pas empêcher les représentants du peuple de voyager. L'Assemblée nationale dispose d'un budget de plus en plus serré. Si vous ne profitez pas de ces occasions, vous finirez par ne plus dépasser Marseille ! Je ne comprends pas la raison de ces accusations. La transparence doit être garantie, mais elle doit permettre aux parlementaires de voyager.

Si vous me le permettez, j'aimerais faire une suggestion que j'ai déjà soumise au Parlement européen quand Mme Metsola a demandé ce que nous pouvions faire après le Qatargate. Les membres de l'Assemblée nationale et les députés français au Parlement européen doivent répondre à un questionnaire de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique qui est censé débusquer les conflits d'intérêts. On nous demande la marque de notre voiture, le détail de nos placements et la valeur de notre portefeuille, etc. Il y a, en revanche, une question qui n'est jamais posée alors qu'elle me semble primordiale en matière de conflits d'intérêts et d'ingérences. Que ce soit au Parlement français ou au Parlement européen, il ne nous est jamais demandé si nous avons une double nationalité. Je trouve pourtant que nous devrions connaître – je dis bien « connaître », il ne faut pas qu'il n'y ait pas de malentendu – cette information. La nationalité serait-elle un chiffon, moins importante que la marque d'une voiture ?

Meyer Habib, qui fut mon collègue et qui est en cours de réélection – enfin, je prends mes précautions : il va essayer d'être réélu –, dit clairement qu'il a deux nationalités, mais d'autres ne le disent pas. Or si une personne traite un dossier sur le Maroc, par exemple, il peut être intéressant de savoir qu'elle a la nationalité d'un pays de la zone, qui peut être ami ou ennemi. Pour ma part, je suis marié depuis dix-sept ans avec une citoyenne française d'origine russe. J'aurais droit à un passeport russe, mais je l'ai refusé.

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