Je vous remercie de me donner l'occasion d'expliquer les difficultés temporelles que nous rencontrons. Le traitement de la plupart des affaires est trop long : voilà la norme, ne tournons pas autour du pot. La matière de notre travail est très chronophage. Vous l'avez dit, la complexité des dossiers explique en partie cette situation : il faut rentrer dedans intellectuellement pour bâtir une stratégie d'enquête ; une vision forgée à un moment de l'instruction peut évoluer au fur et à mesure de nos découvertes. Nous analysons en permanence les faits, notamment sous l'angle juridique pour vérifier que l'infraction initialement suspectée est toujours pertinente ou si d'autres ont pu apparaître, mettant en jeu d'autres éléments et d'autres acteurs.
Environ 90 % des affaires de l'OCLCIFF comportent une dimension internationale, c'est-à-dire que leur traitement nécessite de demander une preuve ou une investigation à l'étranger. On se pose alors la question de s'y rendre et à quel moment, et ces actions peuvent prendre du temps.
Un autre facteur est l'application des droits des justiciables, notamment la possibilité de former des recours. Dans les exemples que vous avez cités, il me semble que cet élément a joué.
Il y a enfin la question des moyens : nous cherchons en permanence à faire mieux avec nos ressources, mais nous n'avons pas trouvé de solution miracle. Une fois que nous commençons les actes d'enquête et que nous rassemblons, à la suite de perquisitions, des preuves très volumineuses – il nous arrive de saisir 5 téraoctets de données –, il nous faut du temps pour analyser tous ces éléments, même si nous sommes aidés par des logiciels et des analystes spécialisés.
Que la durée de traitement des affaires soit excessive est malheureusement la norme. La limite temporelle d'instruction est fixée à douze années après les faits, alors que la jurisprudence autorisait avant de travailler sur des faits très anciens, comme dans les affaires que vous avez évoquées : cela amplifiait l'impression, que je comprends du point de vue du citoyen, d'affaires interminables. Le dossier Karachi, que vous n'avez pas cité et qui a été jugé, a illustré ce rapport particulier au temps.