Je vous remercie de m'interroger sur ce sujet. Il existe désormais, à l'issue de la séquence que vous avez rappelée, deux services de police fiscale, l'un logé à Bercy et l'autre au ministère de l'intérieur. Je n'observe pas la concurrence que l'on pouvait redouter entre les deux services, parce que nous avons tous largement de quoi nous occuper. Nos approches vont dans le même sens car nous avons la même mission, mais nos sensibilités divergent. La force de la police fiscale du ministère de l'intérieur réside dans la complémentarité entre des policiers et des spécialistes fiscaux ; nous avons le meilleur de l'enquête et le meilleur de la compétence fiscale, et nous nous appuyons sur le réseau de la police au ministère de l'intérieur pour mener les enquêtes.
Je ne veux pas parler au nom de M. Christophe Perruaux, avec qui j'entretiens des rapports tout à fait cordiaux et même amicaux, mais il me semble que le SEJF, ancien service douanier, a un ADN différent, très tourné vers l'administration des finances. Nos deux services sont complémentaires : ils regroupent quatre-vingts à quatre-vingt-dix enquêteurs spécialisés qui peuvent prendre en charge les affaires de la très haute partie du spectre ; nous pouvons traiter une soixantaine d'affaires par an, ce qui correspond au nombre de plaintes que dépose chaque année l'administration fiscale, auxquelles s'ajoutent quelques enquêtes lancées à notre initiative sous l'angle technique du blanchiment de fraude fiscale, qui autorise, sous certaines conditions, à commencer une investigation avant qu'une plainte n'ait été déposée.
Il est intéressant de disposer de deux entités pouvant enquêter, chacune possédant des sensibilités complémentaires. Cela limite les angles morts : j'étais le premier chef de la brigade nationale de répression de la délinquance fiscale, à laquelle je suis sentimentalement attaché, donc je sais que la lutte contre la délinquance fiscale était trop lacunaire avant la création de la brigade en 2010. Depuis cette date, les services de police fiscale ont engrangé des succès importants et ont contribué à ce que les institutions publiques prennent mieux en compte la lutte contre la fraude fiscale et éveillent le citoyen à des champs qui n'étaient pas abordés jusque-là – je pense notamment à la convention judiciaire d'intérêt public (CJIP) conclue avec deux géants, Google et McDonald's, qui n'aurait pas été possible il y a quinze ans. Nous avançons dans la bonne direction.