Intervention de Joffrey Célestin-Urbain

Réunion du mardi 14 mars 2023 à 18h00
Commission d'enquête relative aux ingérences politiques, économiques et financières de puissances étrangères-États, organisations, entreprises, groupes d'intérêts, personnes privées-visant à influencer ou corrompre des relais d'opinion, des

Joffrey Célestin-Urbain, chef du service de l'information stratégique et de la sécurité économiques :

Depuis 2022, nous avons engagé un contrôle systématique des lettres d'engagement et des conditions imposées aux investisseurs étrangers. Ce dispositif montera en puissance en 2023 : tous les dossiers d'autorisation faisant l'objet de conditions seront contrôlés, sous la responsabilité du SISSE, chargé de la coordination du suivi de cette politique publique. Le suivi est assuré par l'administration référente désignée dans la lettre de conditions et la coordination que nous exerçons nous permet de détecter le plus tôt possible d'éventuels manquements de la part de l'investisseur étranger. En 2023, nous déploierons un dispositif « à balles réelles » pour un grand nombre de lettres d'engagement.

Nous pouvons être amenés à demander à l'investisseur d'organiser une zone à régime restrictif, dans le cadre du dispositif de protection du potentiel scientifique et technique de la nation (PPST). Il s'agit de zones dont l'accès est réglementé – normalement, on s'en assure moins par un rideau que par des sas et des registres permettant de retracer les demandes d'accès. Celles-ci remontent au haut fonctionnaire de défense et de sécurité (HFDS) du ministère concerné, qui peut être le ministère de la recherche pour certains laboratoires, Bercy pour d'autres. C'est le HFDS qui statue sur la demande : il peut la refuser, ou poser des conditions.

Si, à l'occasion d'un contrôle IEF, nous constatons que la PPST n'est pas correctement assurée par l'investisseur, il y a des conséquences juridiques, avec des sanctions pénales. Toutefois, hors du champ de l'IEF, ce dispositif de PPST reste facultatif : il n'est pas possible de l'imposer à une entreprise ou à un laboratoire, même si nous pouvons les encourager fortement à l'adopter. En revanche, lorsqu'ils ont choisi d'y entrer, ils doivent s'y soumettre, sous peine de sanctions.

La PPST reste le meilleur dispositif de sécurisation d'un site – accès, protection des données sensibles… – après celui de la protection du secret de la défense nationale. Mais ce dernier relève du ministère des armées et nous ne pouvons évidemment pas l'utiliser pour gérer des situations qui concernent la sécurité économique au sens large.

Avec le ministère de la recherche, nous menons une politique assez offensive pour aller voir les laboratoires sensibles de la troisième liste et les encourager à entrer dans le dispositif de la PPST.

Enfin, nous privilégions les sciences dures – je rappelle que nous ne nous en occupions pas du tout il y a encore peu. Nous nous concentrons en particulier sur les technologies que nous avons identifiées comme critiques. Les sciences sociales relèveraient plutôt de la contre-influence au sens large, et donc d'autres services de l'État. Nous savons que certains pays d'extrême orient les utilisent comme vecteur d'influence dans le cadre des « trois guerres » qu'ils mènent : guerre de l'opinion, guerre psychologique et guerre du droit. Mais ce n'est pas de notre ressort : dans nos choix d'allocation des ressources, nous commençons par nous mettre à niveau sur les technologies relevant des sciences dures.

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