Intervention de Joffrey Célestin-Urbain

Réunion du mardi 14 mars 2023 à 18h00
Commission d'enquête relative aux ingérences politiques, économiques et financières de puissances étrangères-États, organisations, entreprises, groupes d'intérêts, personnes privées-visant à influencer ou corrompre des relais d'opinion, des

Joffrey Célestin-Urbain, chef du service de l'information stratégique et de la sécurité économiques :

De la même façon : nous examinons le profil de risque au cas par cas. C'est un mélange de doctrine bien balisée, fondée sur les listes d'acteurs stratégiques à protéger au niveau français, et de souplesse, qui nous permet d'adapter notre décision au profil de risque de l'investisseur étranger. Nous regardons qui se cache derrière le fonds d'investissement, quels sont les fonds investis, qui est le bénéficiaire ultime et s'il a des liens avec des États étrangers. En d'autres termes, nous établissons une cartographie des risques autour de cet acteur. Je le répète, nous n'avons pas automatiquement un avis favorable sur un investisseur établi en Europe car, dans certains cas, il peut être utilisé comme un véhicule d'investissement par des intérêts tiers, pour des raisons juridiques ou fiscales par exemple.

Face à une opération comme celle que vous avez mentionnée, nous commençons par déterminer si l'entreprise française est stratégique, si elle entre dans les catégories du code monétaire et financier et si le profil de risque de l'investisseur étranger justifie des investigations complémentaires. Plusieurs cas de figure sont alors possibles.

Il arrive que l'opération n'entre pas dans le champ du contrôle car elle ne correspond à aucune catégorie prévue dans le code monétaire et financier. Nous n'avons alors pas d'autre choix que de laisser faire. En général, l'opération n'est pas stratégique : ce n'est donc pas un problème.

Lorsque l'opération entre dans le champ du contrôle, le ministre a trois possibilités. Si les risques sont bénins, il peut l'autoriser sans condition. S'ils ne le sont pas, il peut l'autoriser avec conditions : il s'agit d'introduire un certain nombre de garde-fous quant au maintien des activités industrielles sensibles en France ou à la protection de la propriété intellectuelle. Il est même possible de prévoir des conditions plus intrusives relatives à la gouvernance de l'entreprise ou au contrôle des informations sensibles. Cette option est assez largement utilisée, puisque plus de la moitié des opérations déclarées éligibles sont autorisées sous conditions.

La troisième option est plus rare mais tout à fait réelle, bien que nous ne communiquions pas sur ce genre de décision : il s'agit du refus de l'opération. Cette option est très encadrée par le droit positif. Une opération ne peut pas être refusée de manière arbitraire. Elle peut l'être par exemple si l'investisseur étranger a été convaincu de fraude ou de délinquance financière, s'il a une honorabilité plus que douteuse, s'il a été condamné à une peine d'emprisonnement, s'il entretient des liens avec un État étranger, si la fixation d'engagements ou de conditions au rachat n'apparaît pas suffisante pour préserver la souveraineté économique de la France.

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