Nous avons évalué la sensibilité de la cession de l'entreprise Segault, sous l'angle de la menace éventuelle pesant sur certains des programmes que nous déployons avec la BITD. Je ne suis pas en mesure de dire s'il y a un danger majeur, mais j'ai défendu l'idée qu'il y avait un problème et qu'il était important de se saisir du sujet ; celui-ci est bien pris en compte, mais ce sont les gens spécialisés dans le domaine des armements qui peuvent répondre à la question de l'acceptabilité du risque. Dans ce processus, je n'évalue qu'une partie du risque.
Nous travaillons avec la DGSI pour améliorer la protection des laboratoires et des instituts de recherche scientifiques : nous nous répartissons les laboratoires, certains n'étant suivis que par la DRSD, d'autres relevant de la surveillance de notre direction et de la DGSI. L'action prioritaire est la sensibilisation : c'est une démarche essentielle car le monde de la recherche et la protection sont antinomiques, puisque la recherche suppose l'ouverture vers l'extérieur, l'échange et la publication quand la protection pousse à la fermeture et au mutisme. Nous ne sommes pas là pour empêcher les publications, mais nous sensibilisons les acteurs de la recherche à l'identification de la menace et de nos vulnérabilités ; ensuite, il convient de déterminer où l'on place le curseur entre ouverture et fermeture. Ces trois dernières années, les personnes travaillant dans les laboratoires de recherche ont modifié leur appréhension du sujet car, il y a encore quelque temps, elles ne voulaient pas entendre parler de protection ; certains épisodes malheureux ont joué un rôle dans cette prise de conscience.
D'une manière générale, nous suivons l'ensemble de la radicalisation, qui se développe malheureusement dans la société actuelle. Nous avons connu des radicalisations islamistes extrêmement rapides à cause des réseaux sociaux, et nous retrouvons actuellement ce processus pour l'ensemble des groupes radicaux, qui s'autoalimentent et développent un caractère quelque peu sectaire. Nous suivons la présence de l'ultradroite au sein des armées, mais il n'y a pas de sujet particulier ; nous prenons les mesures d'entrave, en lien avec le commandement, lorsqu'elles sont nécessaires – nous agissons de la même façon avec l'islam radical. Pour l'ultragauche, la situation est opposée puisque nous avons plutôt affaire à des gens qui pourraient viser la BITD ou les institutions de l'extérieur : là, nous travaillons de manière coordonnée avec les autres acteurs du renseignement.
J'ai des équipes qui suivent les fuites du New York Times, mais il est très difficile de se prononcer actuellement car on décèle certaines manipulations : il y a ainsi des documents-miroirs, certains donnant, par exemple, des chiffres de pertes favorables aux Ukrainiens, d'autres aux Russes. La diffusion de ces documents est parfois une simple photographie, donc il faut vérifier leur véracité : existent-ils réellement ? Certains d'entre eux sont des appréciations du partenaire américain. Nous suivons ce dossier, mais l'affaire est un peu récente pour que nous puissions nous positionner, sachant que, comme tout service de renseignement, nous sommes un peu paranoïaques et nous tentons de voir toutes les faces d'une information.
Avec la LPM actuelle, nous sommes arrivés à un plateau budgétaire, hors infrastructures, de 20 millions d'euros, donc nous sommes assez modestes. Une progression est prévue, et nous aimerions atteindre environ 30 millions d'euros en plateau à la fin de la prochaine LPM. Ces ordres de grandeur diffèrent profondément de ceux de la DGSE, mais cela a toujours été le cas et je n'en veux pas du tout au DGSE. Nous sommes un petit service.