Mesdames, messieurs les députés, c'est un grand honneur pour moi d'évoquer avec vous la problématique des munitions, qui sont un des sujets majeurs de la loi de programmation militaire. Il a donc donné lieu à un travail approfondi dans le contexte de l'économie de guerre, en lien avec le conflit en Ukraine. Au cours des huit derniers mois, nous avons étudié l'effort à fournir dans le domaine des munitions, pour lequel la LPM prévoit un investissement de 16 milliards d'euros.
Les armées françaises possèdent deux atouts majeurs. Armées d'emploi, elles ont tout d'abord acquis une expérience au combat considérable. Entretenir cet acquis requiert une préparation opérationnelle rigoureuse ainsi que des stocks de munitions destinés à l'entraînement. Elles bénéficient également d'une base industrielle et technologique de défense (BITD) couvrante, qui permet de maintenir notre souveraineté en n'acquérant quasiment que du matériel industriel français. Avec les efforts de réindustrialisation en cours, nous prenons conscience de l'importance de ce tissu industriel, qui renforce notre position.
Au sein de l'état-major des armées, la division « cohérence capacitaire » est d'une part chargée de la prospective capacitaire, en collaboration avec la direction générale de l'armement (DGA). Une partie de mon équipe s'occupe de la recherche sur les systèmes de demain en analysant l'évolution de la menace et de la conflictualité, pour définir les capacités de demain sur tout le spectre : équipements, formation, doctrine, infrastructures, stratégies de soutien.
La division « cohérence capacitaire » est d'autre part chargée de la conduite des opérations d'armement. Certains de nos officiers, qui travaillent de façon intégrée avec la DGA, s'assurent que le développement et la production d'un système sont cohérents avec le besoin militaire qui a été exprimé, pendant environ dix ans après avoir décidé de son acquisition. Il est indispensable, lorsqu'on lance un nouveau système d'armes, de prévoir aussi les munitions nécessaires, les infrastructures appropriées et le maintien en condition opérationnelle (MCO) requis pour son utilisation dans les scénarios opérationnels envisagés.
Je suis accompagné aujourd'hui par mon expert pour l'armement, le lieutenant-colonel Yann Lefebvre, ainsi que par le colonel Emmanuel Durville, chargé des relations avec le Parlement à l'état-major des armées.
La LPM 2024-2030 poursuit les efforts entrepris par la précédente loi de programmation. Si la LPM 2019-2025 apparaît comme une loi de réparation, le projet de loi que vous examinez vise à transformer l'armée française, en investissant notamment, dans le domaine des munitions, dans les munitions téléopérées et les drones. Avec les 16 milliards d'euros alloués aux munitions, il est prévu de commander plus de 6 000 munitions complexes telles que des missiles antichar, anti-navires, air-air ou de croisière, ainsi que des torpilles, et d'en livrer plus de 4 000. Notre objectif est de compléter les stocks de munitions complexes et de remédier aux fragilités identifiées dans certains secteurs. Le rapport publié par votre commission a été précieux pour conduire ces travaux.
Dans le détail, environ 11 milliards d'euros sont consacrés aux programmes à effet majeur, qui incluent des munitions complexes (missiles), tandis que 3 milliards permettront d'acheter des munitions plus classiques comme les obus et 2 milliards, d'assurer le maintien en condition opérationnelle de l'ensemble des munitions. Une rénovation des munitions à la moitié de leur vie peut en effet être nécessaire pour en garantir l'efficacité car certains de leurs composants deviennent obsolètes après environ douze ans d'utilisation.