La distinction entre réquisitions militaires et civiles était historiquement liée à une idée de mobilisation générale et à une logique d'invasion du territoire, qui entraînaient des dispositions, aujourd'hui très datées consistant à réquisitionner du personnel civil pour installer des militaires, parmi lesquelles des mentions réglementaires précisant, par exemple, qu'il faut laisser sa chambre à coucher à l'habitant dont on réquisitionne la maison !Le caractère désuet de ces mesures est lié à l'appréhension stratégique des périls et du cadre juridique dans lequel ces réquisitions pouvaient s'opérer. Il semble plus cohérent de prévoir une gradation en fonction de l'intensité de la menace.
S'agissant de vos craintes quant à une menace prévisible mais pas immédiatement constituée, je voudrais d'abord vous rassurer : il ne s'agit pas d'un danger susceptible de survenir dans une projection de moyen terme (en mois par exemple) mais dans une logique court-termiste.
Pour l'illustrer, je prendrai deux exemples. Pendant la propagation de la covid-19, au cours du mois de février 2020, nous aurions peut-être pu appréhender la menace susceptible d'atteindre fortement l'Europe au cours des semaines suivantes, et prendre des mesures permettant de bloquer des masques, d'organiser des réquisitions en matière de transport ou de services publics.
Mon second exemple sera plus militaire : des mouvements de troupes aux frontières de l'Europe ou de pays appartenant à l'Otan seraient suffisants pour commencer à mobiliser ces leviers de réquisition, sans attendre qu'une première agression ait lieu.
Il faut avoir à l'esprit que ces dispositifs permettent de réquisitionner des personnes mais qu'il ne s'agit pas de l'objectif ultime ; ce sont bien souvent des matériels et des services qui doivent pouvoir être mobilisés dans le cas de la survenue prochaine et prévisible d'une situation critique.
Le réengagement pendant cinq ans concerne la réserve militaire opérationnelle de deuxième niveau et constitue déjà une obligation : tout militaire quittant l'armée est tenu à un engagement de disponibilité pendant les cinq années suivant son retour à la vie civile et peut être rappelé lorsque les circonstances le justifient. Le nouveau dispositif vise en fait à suivre de façon effective ces militaires et à maintenir leurs compétences, ce à quoi ils sont souvent attachés. D'anciens militaires peuvent également dispenser des formations aux soldats d'autres armées, pour leur permettre de prendre en main certains matériels. Ils sont ainsi amenés, dans le cadre de leur obligation de disponibilité, à assurer une à trois semaines de formation.
La possibilité de les mobiliser doit être subsidiaire par rapport à celle de faire appel aux réservistes ayant pris eux-mêmes l'engagement de servir. Par ailleurs, il leur sera possible de s'engager de façon plus volontaire dans le cadre de la réserve opérationnelle de premier niveau, qui sera plus facilement mobilisable.
En ce qui concerne les apprentis militaires, il s'agit pour l'essentiel de donner une visibilité à une politique consistant à miser sur la jeunesse, notamment au moyen de voies mêlant formations théorique et pratique, qui sont très performantes, pour les armées comme pour ces jeunes.
Les dispositions liées au temps de travail des apprentis militaires sont encadrées dans le projet de loi. En effet, dans certaines conditions d'exercice, il n'est pas possible d'appliquer de manière automatique les limitations du travail de nuit ou du temps de travail par jour, pour des raisons objectives et documentées. Je pense par exemple aux mousses qui sont en mer et doivent effectuer des quarts de nuit. À cet égard, chaque fois que ce sera rendu nécessaire par les exigences du service, nous adapterons ces conditions de travail et de formation des apprentis par un décret en Conseil d'État.
Les prélèvements d'ADN sont possibles depuis un décret de 2017, modifié par un autre de 2022, dispensé de publication. Le fichier Biopex est alimenté, ne pose pas de difficultés et son exploitation est très utile. La mesure est conforme à nos obligations internationales.
Les exemptions d'enquêtes publiques sont utilisées de manière ciblée et proportionnée, comme dans les cas des dépôts de munitions ou de la construction du nouveau siège de la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) au Fort Neuf de Vincennes, pour lesquels on ne peut pas entrer dans une logique d'enquête publique banalisée. L'usage en a été parcimonieux et pertinent, reposant chaque fois sur des considérations objectivées.
Le cas des sociétés militaires privées telles que Wagner a été traité dans la précédente LPM. L'article 43 de la loi soumet à autorisation de l'Etat les activités des entreprises titulaires d'une AFCI dans le domaine des services et de la formation (article L. 2332-1 du code de la défense). La réflexion concernant le déploiement de Wagner doit être mise en relation avec l'article 20, relatif au contrôle des départs à l'étranger : les démarchages de milices privées étrangères auprès d'anciens militaires pourraient faire partie des tentatives de recrutement que nous souhaiterions éviter. Cette préoccupation relève elle aussi de la gestion de nos ressources humaines.
En ce qui concerne le statut des Opex, au Niger, nous sommes dans le cadre de la poursuite de l'opération Barkhane. Le partenariat avec les Nigériens perdure. Les forces armées françaises peuvent intervenir à la demande des autorités nigériennes, pour répondre efficacement à des attaques de groupes armés organisés, qui restent très nombreuses dans cette partie de l'Afrique. Au Tchad, les forces françaises sont également présentes en accord avec les autorités locales.
La projection de nos forces en Roumanie et dans les États baltes ne relève pas du statut juridique des Opex mais de celui de la mission opérationnelle, dans le cadre de missions de réassurance qui s'inscrivent dans le cadre de notre coopération avec nos alliés de l'Otan.