Votre question appelle d'abord une réflexion quant à la manière dont notre ministère aborde le rapport à la norme juridique. Il s'agit d'un sujet de préoccupation très important, que nous partageons avec les états-majors. Nous avons avec eux des contacts étroits et quotidiens, et avons établi un lien de confiance. L'ancrage opérationnel de la DAJ est l'une de ses caractéristiques. C'est cela qui permet aux états-majors ainsi qu'aux fonctions de support du SGA de faire remonter les difficultés de manière transparente, après quoi nous identifions ensemble les manières de les surmonter.
Cette approche de la norme juridique intègre l'appréhension de la notion de risque d'une manière tout à fait propre au ministère des armées. Après six mois passés dans mes fonctions, j'observe que l'excès de normes conduit à réduire la confiance et la capacité à aborder de façon sereine la gestion du risque. Il faut donc se garder d'écrire dans des proportions excessives. Au cours de nos travaux collectifs, nous avons fait très attention, dans la rédaction de cette partie normative, à nous en tenir à ce qui était strictement nécessaire d'un point de vue législatif, renvoyant certaines considérations au décret ou à l'arrêté, ce qui permet d'apporter des modifications de façon plus souple. Trop écrire, vouloir appréhender toutes les situations conduit bien souvent à limiter notre capacité à interpréter la norme.
À titre d'exemple, s'agissant de la question des drones, nous avons souhaité adopter une neutralité technologique : les dispositions restent générales, ce qui nous permettra de tenir compte de l'évolution technologique, importante et rapide dans ce domaine, sans que nous soyons obligés de retourner devant le Conseil d'État ou de saisir le législateur tous les six mois, pour introduire dans la loi une référence à de nouvelles techniques. Outre la disposition législative générale, un décret en Conseil d'État sera pris, qui donnera un socle aux conditions opérationnelles dans lesquelles nous pourrons mettre en œuvre la lutte antidrones. Le pouvoir réglementaire dressera ensuite par arrêté une liste permettant d'appréhender les avantages et inconvénients de chaque technique. Il offrira aussi la possibilité d'une modification aisée.
En ce qui concerne l'intelligence artificielle, j'espère que le droit ne sera jamais l'application mécanique d'un algorithme et que la part d'incertitude, qui fait aussi l'intérêt du droit, subsistera. Le droit est vivant et fait l'objet d'interprétations, à partir de socles fondamentaux. Cela est très vrai du droit international public et du droit international humanitaire, et nous avons fourni un effort de formalisation de la doctrine dans un ouvrage important. Pour autant, nous conservons une part d'interprétation, sans que la présence de l'ombre du juge ne soit permanente et anesthésiante.
En ce qui concerne, plus spécifiquement, certaines orientations données par le SGA, la DAJ exerce une fonction de support pour tous les travaux, qui sont très nombreux. Des groupes de travail et des comités de pilotage se réunissent, pour appréhender la dimension relative aux questions environnementales, qui sont très intégrées à la prise de décision, mais aussi les questions de simplification et de réforme des organigrammes. Nous intervenons pour aider à la simplification normative lorsqu'elle est possible et nous nous attachons, souvent au niveau réglementaire, à apporter la sécurisation juridique nécessaire à ces projets de modernisation défendus par chaque direction.