Intervention de Camille Grand

Réunion du jeudi 13 avril 2023 à 10h35
Commission des affaires étrangères

Camille Grand, chercheur et directeur du programme « Défense, sécurité et technologie » du Conseil européen pour les relations internationales (ECFR), ancien Secrétaire général-adjoint de l'OTAN :

Effectivement, il n'y a pas de réflexe européen ni d'achats européens dans la plupart de nos pays en Europe. Il peut exister un réflexe d'achat national pour les pays dotés d'une industrie nationale et un réflexe d'achat américain chez certains de nos partenaires car cela revient, pour eux, à acheter de la sécurité. Pour de nombreux pays qui ne disposent pas d'une industrie de défense importante, acheter des équipements américains, français, britanniques ou allemands est du même ordre : ils achètent à l'extérieur et recherchent le produit disponible immédiatement, qui procure des avantages politiques et militaires le plus rapidement.

Ce que fait l'Union européenne en ce moment me paraît de nature à faire évoluer ce réflexe, en créant des incitations à l'achat collectif. Elle le fait en finançant la recherche et développement de certaines capacités ou en prenant en charge 15 % des dépenses d'achat. Nous critiquons souvent nos partenaires européens au motif qu'ils n'achèteraient pas suffisamment en Europe – ce qui signifie souvent acheter français – mais nous-mêmes achetons peu d'équipements « sur étagères » à nos voisins européens. À cet égard, l'idée du Main Ground Combat System (MGCS) – c'est-à-dire le futur char franco-allemand – me paraît intéressante : peut-être pour la première fois depuis que les chars existent, la France décide de ne pas se lancer dans la conception d'un char national, préférant le faire d'emblée avec nos partenaires allemands pour aboutir à un produit franco-allemand ; il faut espérer que ce projet ira à son terme. Nous vivons en tout cas, de ce point de vue, une période de transition.

Un message est aussi adressé par l'Europe à nos amis américains : puisque ceux-ci demandent avec constance que les Européens dépensent davantage pour leur effort de défense, les Européens s'y disent prêts, à condition que les Américains dépensent aussi davantage en Europe. C'est aussi de cette manière que l'on entretiendra le soutien, par la représentation nationale, d'un budget de défense plus élevé puisque ceci ne se traduirait pas seulement par des achats à l'extérieur.

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