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Intervention de Camille Grand

Réunion du jeudi 13 avril 2023 à 10h35
Commission des affaires étrangères

Camille Grand, chercheur et directeur du programme « Défense, sécurité et technologie » du Conseil européen pour les relations internationales (ECFR), ancien Secrétaire général-adjoint de l'OTAN :

Nous ne pourrions dissoudre l'OTAN seuls, même si nous le souhaitions. Tous nos alliés, sans aucune exception, y compris ceux qui ne font pas partie de l'OTAN, souhaitent le maintien de cette alliance. Il existe de ce point de vue un décalage entre une certaine vision stratégique française qui a toujours eu des relations compliquées avec cette alliance et le point de vue de tous nos partenaires. La conversation sera difficile à mener si nous y entrons par cette position très critique sur l'OTAN.

Dans un monde de compétition stratégique tel que nous l'avons décrit, disposer d'alliés est assez précieux. C'est l'un des soucis actuels de M. Poutine, comme de M. Xi. La Chine et la Russie ont parfois des amis ou des obligés, très peu d'alliés. C'est une différence qui fait la force des démocraties occidentales. L'OTAN est l'une de ces alliances, dont il existe d'autres modèles. En région indopacifique, cette alliance ne prend pas la forme d'une grande alliance militaire. Même les États-Unis, aujourd'hui, reconnaissent qu'ils ont besoin d'alliés. Cela illustre bien la complexité de notre environnement.

Nous pouvons toujours sortir de l'OTAN seuls. Nous avons fait la moitié de ce pas en 1966, en nous retirant des structures militaires intégrées. J'aime citer Marx, à cet égard : « La première fois, on fait l'histoire. La deuxième fois, c'est une farce ». J'ai donc quelques réserves face à cette proposition. Nous sommes à un moment où l'OTAN apparaît à nos partenaires comme le cœur de leur politique de défense et de sécurité, pour de bonnes raisons : nous sommes dans un environnement de sécurité dégradé. Cette sortie éventuelle ne me paraît donc pas être le cœur de la conversation.

Dans ce contexte, la dissuasion constitue notre assurance-vie. Sans la dissuasion, toute cette discussion sur l'autonomie stratégique et sur l'Europe n'a guère de sens profond. Je me trouvais la semaine dernière en Pologne, où nos partenaires sont très sensibles à cette question de la dissuasion car ils savent que si la situation devenait difficile, les puissances nucléaires en Europe – France et Royaume-Uni – joueraient un rôle extrêmement important pour leur sécurité.

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