La crise de l'hôpital constitue un sujet important, depuis longtemps, mais il ne concerne que partiellement le problème : j'aurais apprécié que nous débattions plutôt de la crise du système de santé. En effet, si l'hôpital en est l'élément le plus emblématique, ce n'est qu'un des aspects d'une crise profonde du système de santé. Il est difficile de décorréler la situation que vivent les hospitaliers de celle que connaît le personnel de la médecine libérale, elle aussi profondément en crise. Les répercussions sont évidemment mutuelles.
Depuis des années, la crise de l'hôpital fait parler et se trouve à la une des médias ; se focaliser sur l'hôpital laisse à penser qu'il n'est qu'un grand corps malade. Or il est plus facile de regarder l'hôpital que de s'intéresser aux maux dont souffre l'ensemble du système de santé.
L'hôpital certes est en crise, mais pendant la pandémie, il a tenu – je veux le souligner à cette tribune. Aux yeux de tous les Français et parfois des pays voisins, il a donné un formidable exemple du système français, qui tient grâce à l'engagement des femmes et des hommes qui le servent, grâce à leur solide conscience professionnelle et aux valeurs qui les animent. Il faut se souvenir des plannings chamboulés, des congés reportés pendant des mois, des organisations faites et défaites au gré des pics épidémiques – de tous les ajustements qui ont fait la preuve que l'hôpital sait être réactif et s'adapter aux besoins de la population. Répétons-le encore et encore : au cours de la crise, 80 % des patients qui devaient être pris en charge l'ont été par l'hôpital. Il a été le bouclier sanitaire des Français, offrant la belle démonstration qu'en dépit de ses maux et difficultés, il reste une institution solide, qui a encore beaucoup à montrer.
L'hôpital est aussi un lieu d'innovation, de premières médicales, de recherche, de performances observées à l'international. Certes, il connaît ici ou là des difficultés, mais elles ne doivent pas nous empêcher de constater lucidement sa longévité et ses bienfaits.
Toutefois la crise existe. Elle est le résultat de dix à quinze années de politiques de rabot, qui ont pris fin il y a quelques années. Pendant cette période, on a exigé de lui 10 milliards d'euros d'économies ; c'était beaucoup trop. Bien plus que d'autres acteurs du système, il a servi à réguler les dépenses de santé.
Notre approche est sans doute beaucoup trop centralisée, jacobine, tatillonne ; elle est l'expression d'un manque de confiance dans les acteurs, qui s'est aggravé au fil du temps. Mais cet état d'esprit est en train de changer.
L'hôpital sert aussi de variable d'ajustement pour résoudre les difficultés du reste du système de santé, comme l'illustre le seul chiffre du doublement de la fréquentation des urgences, passée en vingt ans de 10 à 21 millions d'entrées par an. Aucun autre service public n'a dû faire face à une telle hausse ; pourtant il s'est adapté à cette crise de la médecine de premier recours, afin que les Français qui cherchent aux urgences une lumière la trouvent allumée.
La crise est également démographique : 30 % des postes de médecins ne sont pas pourvus, comme 10 à 15 % – 20 % parfois en région parisienne – des postes d'infirmiers. Cela traduit le lent délabrement du système de santé, qui n'a pas assez formé et n'a pas suffisamment anticipé à long terme la politique de gestion.
Enfin, un fossé s'est creusé entre la médecine publique et le reste du système de santé ; les obligations de service public, particulièrement, pèsent de moins en moins sur les uns et de plus en plus sur les autres.
Depuis quelques années, le regard sur l'hôpital a changé et c'est pour le mieux. Des actions ont été engagées : la loi « Ma santé 2022 » ; la lutte contre l'intérim, véritable cancer des hôpitaux ; le plan de 19 milliards d'euros visant à relancer l'investissement hospitalier, décidé dès avant la crise covid, puisqu'Édouard Philippe l'avait présenté en novembre 2019 ; l'accompagnement financier des hôpitaux avec la stabilisation de leur budget, dès 2018. Aussi les membres du groupe Horizons et apparentés sont-ils confiants dans les réformes à venir. Au cours des prochaines semaines, nous aurons l'occasion de discuter tous ces sujets dans l'hémicycle.