Intervention de Laurence Boone

Réunion du mercredi 5 avril 2023 à 15h00
Commission des affaires européennes

Laurence Boone, Secrétaire d'État chargée de l'Europe :

Comme vous le savez, trois points principaux figuraient à l'ordre du jour du dernier Conseil européen : premièrement, notre soutien à l'Ukraine, alors que la Russie poursuit sa guerre d'agression ; deuxièmement, la réponse européenne à l'IRA et, plus largement, la compétitivité et la politique industrielle et économique ; troisièmement, la situation énergétique de l'hiver prochain et les questions de compétitivité qu'elle soulève. Les migrations ont également été abordées, puisque ce conseil assurait le suivi du Conseil extraordinaire des 9 et 10 février 2023, au cours duquel la question migratoire avait été débattue.

Le dernier Conseil européen a, lui aussi, été exceptionnel, puisqu'il s'est ouvert par un échange avec le secrétaire général des Nations unies, M. António Guterres. À cette occasion, la volonté de renforcer la coopération entre l'Union européenne et l'ONU a été réaffirmée ; la nécessité de trouver une réponse multilatérale à la violation flagrante des principes fondamentaux de la Charte des Nations unies a également été soulignée. Cette coopération entre l'Union européenne et l'ONU permet, en outre, de mieux répondre aux enjeux de sécurité alimentaire que soulève la guerre en Ukraine, à ceux de protection de l'environnement, de lutte contre la pollution, de préservation des écosystèmes, de santé à l'échelle du monde et de financement de l'aide humanitaire.

Le Conseil européen a rappelé son soutien indéfectible à l'Ukraine. Les vingt-sept membres de l'Union européenne sont unis et déterminés à maintenir et à accroître la pression collective sur la Russie, en consolidant les mesures restrictives, mais aussi en veillant à leur application uniforme. L'Union a également confirmé sa volonté de travailler avec ses partenaires pour que soient mises en œuvre les mesures de plafonnement des prix du pétrole. Elle entend aussi lutter contre le contournement des sanctions dans et par les pays tiers.

Le Conseil européen a, par ailleurs, apporté son soutien à la résolution de l'Assemblée générale des Nations unies pour une paix juste et durable, votée le 23 février. L'une et l'autre de ces deux instances internationales soutiennent le plan de paix présenté par le président Zelinsky.

Un accord a d'autre part été trouvé pour livrer d'urgence des munitions à l'Ukraine, comme l'avait demandé le président ukrainien au début du mois de février. Pour ce faire, trois volets ont été définis : l'utilisation des stocks de munitions et de missiles des pays membres ; le soutien accru de l'Union européenne pour que les capacités de production de ces pays soient renforcées ; un dispositif d'acquisition conjointe pour acheter, en priorité, des productions européennes.

La lutte contre l'impunité figurait également au menu de ce Conseil, notamment celle dont bénéficient les auteurs d'enlèvements et de déportations d'enfants ukrainiens vers la Russie. Permettez-moi, monsieur le Président, de saluer votre proposition de résolution européenne, adoptée à l'unanimité, le 29 mars, que vous avez déjà évoquée. Enfin, toujours concernant l'Ukraine, l'initiative céréalière de la mer Noire a également été saluée.

Le deuxième point à l'ordre du jour, les enjeux économiques et de compétitivité, prolonge l'agenda du sommet de Versailles. La dynamique qui doit conduire à une souveraineté stratégique – en accord avec les ambitions écologiques de l'UE – non seulement se confirme, mais s'amplifie. Les orientations prises par le Conseil européen et leurs concrétisations marquent un changement majeur dans la manière dont l'Union européenne appréhende les défis économiques et industriels. Trois mois seulement ont suffi pour que les Européens répondent à l' Inflation Reduction Act. Il s'agit d'un délai très court, même à l'échelle d'un pays.

Il convient de s'arrêter un instant pour préciser que ce changement d'approche et cette rapidité de réaction matérialisent l'idée, défendue par le Président de la République, selon laquelle l'Europe est un « espace puissance ». L'Union européenne est animée par une logique d'ensemble, par un projet cohérent et ambitieux, qui s'inscrit dans le temps long. Il ne s'agit pas seulement d'une convention internationale qui peut, demain, être défaite point par point. Ce passage d'un espace économique à un « espace puissance » exige des économies fortes. Ce sont elles qui font notre capacité d'influence, capacité qui, je le rappelle, est colossale : 440 millions de consommateurs et un PIB par habitant de 25 000 euros. L'Union européenne est la première économie mondiale ; cela doit lui permettre de peser sur les échanges internationaux et sur des questions essentielles comme celle du climat. Le 22 mars, vous avez consacré une table ronde à la réaction de l'Union européenne face à l'IRA ; toutes les voix des parlementaires sont les bienvenues pour renforcer notre position.

Un accord de principe a été trouvé sur les orientations – proposées par la Commission européenne – qui concernent l'industrie à zéro émission nette et les matières premières critiques. C'est la stratégie du made in Europe qui a été défendue, après avoir été dévoilée dans une note des autorités françaises, le 9 janvier 2023. Il s'agissait alors de présenter la vision industrielle ambitieuse de la France, qui avait été inscrite dans l'agenda du sommet de Versailles de mars 2022. Le propos est de fixer des objectifs à l'horizon 2030 et de favoriser l'implantation de capacités de production européennes qui répondent à nos besoins stratégiques, pour ce qui est, entre autres, des semi-conducteurs et des technologies nécessaires à la transition verte. Plus l'UE investira dans ces technologies, plus elle créera demain des jobs de qualité.

Les dépendances de l'Union européenne doivent aussi être réduites, notamment en matière d'énergie, pour conduire la transition écologique le plus rapidement et le plus efficacement possible. C'est pourquoi les propositions de la Commission quant aux aides d'État, grâce auxquelles l'Union européenne peut répondre aux distorsions de concurrence éventuelles, ou encore les règlements sectoriels sur l'industrie à zéro émission nette et les matières premières critiques constituent les fondements de notre compétitivité. Encore faut-il – et nous y serons attentifs – que les financements soient à la hauteur des ambitions affichées et que l'assouplissement réglementaire soit efficace, mais aussi lisible par nos entreprises. C'est dans ce cadre que va s'inscrire le plan « industrie verte » de Bruno Le Maire.

Nos capacités d'investissement public et privé vont également être renforcées, par exemple pour ce qui est de la recherche et développement et de la formation. Nous sommes en situation de quasi-plein emploi et nous devons former les personnes inemployées – ou qui désirent se reconvertir – afin qu'elles puissent travailler dans ces nouvelles technologies, vertes ou numériques, ou encore dans le domaine de la santé, c'est-à-dire dans tous ces secteurs d'activité promus par les plans stratégiques européens. Les chefs d'État et de gouvernement ont aussi, à cet égard, appuyé l'achèvement de l'union des marchés de capitaux (UMC) et de l'union bancaire, les financements ne pouvant pas être uniquement publics.

La question du fonds de souveraineté, que vous avez évoquée monsieur le président, a été reportée au prochain Conseil européen, qui se tiendra en juin. Les premiers documents, qui font état des besoins, ont été élaborés et les discussions relatives aux financements appropriés auront sans doute lieu au cours de la seconde partie de l'année.

En ce qui concerne le commerce international, les prochains accords doivent être négociés selon trois critères : l'environnement – climat, transition écologique, biodiversité – ; l'équilibre des relations ; les intérêts stratégiques de l'UE. À ces trois éléments s'ajoutent bien sûr les valeurs sociales, sur lesquelles il est hors de question de transiger. La France continuera à défendre ces conditions fondamentales, préalables à toute ouverture commerciale. Concrètement, cela signifie que les pays avec lesquels nous passons des accords commerciaux doivent respecter les accords de Paris et que cette condition doit être inscrite dans les termes de ces accords. De même, les produits qui entrent sur le territoire de l'Union doivent respecter les normes et standards européens qui s'imposent aux industriels et aux agriculteurs locaux.

Le Conseil européen a également endossé les conclusions relatives à la révision de la gouvernance économique, adoptée par le Conseil Écofin (affaires économiques et financières) du 14 mars 2023, ainsi que les recommandations du Conseil de l'Union européenne sur la politique économique de la zone euro. Nous attendons désormais que la Commission présente sa proposition législative, dans les prochaines semaines.

Comment parler de compétitivité sans évoquer la situation énergétique ? Là aussi, le Conseil européen a été décisif.

D'abord, il a souligné la nécessité, dans un premier temps, de prendre rapidement des mesures législatives pour accélérer la transition énergétique ; dans un second temps, de procéder au stockage et à des achats conjoints de gaz, grâce à une nouvelle plate-forme, en prévision du prochain hiver. Tous les membres de l'Union européenne et leurs fournisseurs d'énergie doivent recourir à cette nouvelle plate-forme qui, grâce aux achats conjoints, permettra aux petits acteurs de profiter de conditions avantageuses. Ce nouvel outil va, en outre, rendre possible la coordination des achats, cela pour éviter qu'ils se fassent tous en même temps et qu'ils contribuent à l'augmentation des prix.

Ensuite, il a adopté la réforme du marché de l'électricité, qui doit être achevée d'ici à la fin de 2023. Cela doit permettre de soutenir le pouvoir d'achat des ménages, de garantir la compétitivité des entreprises et de réduire notre dépendance aux hydrocarbures. Un point essentiel concerne la neutralité technologique, c'est-à-dire la liberté laissée aux États membres de définir souverainement leur propre bouquet énergétique. Pour la France et les pays qui partagent son approche, la prochaine bataille va consister à faire respecter cette liberté, qui est conforme aux traités de l'Union européenne. Nous allons nous battre pour que chaque texte assure le principe de neutralité technologique et reconnaisse le rôle que joue l'énergie nucléaire dans la décarbonation de nos économies. À ce propos, je vous remercie pour votre proposition de résolution européenne. Il est très important, en effet, que la France puisse continuer à défendre sa vision au niveau européen en s'appuyant sur ses parlementaires.

Enfin, s'agissant des migrations, le Conseil européen a permis de faire un point d'étape sur les opérations conduites par la Commission depuis le Conseil de février dernier. Cela concerne en particulier le travail mené avec les pays tiers et les pays d'origine, extérieurs à l'UE, pour éviter les drames qui se produisent trop souvent en Méditerranée. Pour ce qui est de la dimension intérieure de ces migrations, le Conseil a appelé les colégislateurs à poursuivre les négociations relatives au pacte sur la migration et l'asile, en cours au Parlement européen, pour que ce pacte soit adopté d'ici à la fin de la législature.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion