Deux de vos questions concernent le bilan de la HAS et les moyens dont elle dispose pour travailler. Je les regroupe donc pour dire d'emblée que je ne laisse pas une « maison HAS » avec des moyens suffisants à mon successeur. Nous cumulons des problèmes de déficit de ressources et de déficit humain. Le déficit de ressources était prévisible et prévu. En effet, dans le passé, nous disposions d'un fonds de roulement très important parce que nous recueillions nous-mêmes les contributions des industriels quand nous évaluions leur dossier. Ce processus a été modifié et, afin d'améliorer la gestion financière, on nous a demandé de résorber ce fonds de roulement. Notre budget, qui s'élevait initialement à environ 70 millions d'euros, a été ainsi amputé de 15 millions d'euros dans un premier temps, puis de 2 millions d'euros ensuite. Nous avons donc épuisé ce fonds de roulement, mais il sera nécessaire de redonner ce budget à la HAS qui, à défaut, ne parviendra pas à poursuivre ses missions à l'identique.
S'agissant des ressources humaines, la HAS s'est vu attribuer de très nombreuses missions supplémentaires au cours des années et, malgré des restructurations et des optimisations, nous saturons un peu. Au-delà de l'accès précoce, nous sommes chargés du référentiel des actes innovants hors nomenclature de biologie et d'anatomopathologie (Rihn), les examens biologiques et la génétique qui doivent être intégrés dans le droit commun et mieux remboursés. Nous nous voyons confier de plus en plus de missions d'évaluation du numérique. Nous avons également, évidemment, repris l'ensemble des missions sociales et médico-sociales qui nous ont été confiées en 2018, avec la mise en place de l'évaluation externe des établissements ainsi que des services sociaux et médico-sociaux. Bref, nous assumons de très nombreuses missions nouvelles avec des effectifs qui n'ont pas évolué depuis la création de la HAS, en 2004. Je vous remercie de m'avoir permis d'évoquer devant vous ce point de vigilance puisqu'il vous appartiendra de voter des projets de loi de financement de la sécurité sociale dans les mois à venir et il est probable que ce point soit abordé à cette occasion.
S'agissant de la mission de régulation des pénuries de médicaments, elle relève surtout de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) qui est chargée de la gestion des pénuries de médicaments. La HAS intervient quand nous faisons face à des pénuries de vaccins afin d'identifier des alternatives, quand il y en a plusieurs, ou des stratégies de priorisation de populations quand la pénurie est massive. Au début de la crise sanitaire liée à la covid, nous disposions d'une faible quantité de vaccins et nous avons donné la priorité vaccinale aux populations les plus fragiles. Nous avons élargi les indications au fur et à mesure que le nombre de doses de vaccin augmentait et à l'arrivée de nouveaux vaccins. Nous procédons ainsi lorsque nous subissons des pénuries, c'est-à-dire que nous adaptons les stratégies vaccinales. Par ailleurs, nous sommes parfois sollicités sur les remplacements de certains médicaments pour indiquer la meilleure stratégie à adopter.
Nous n'avons donc pas un impact important sur les pénuries. J'ai néanmoins été auditionnée par le Sénat au sujet des causes de pénuries. Un travail est en cours de sorte à pallier ces différentes causes, qui sont très multifactorielles et qui dépendent beaucoup des chaînes de production des industriels, souvent localisées à l'étranger. En effet, la plupart des usines de production ne sont plus situées sur le territoire français, pas même en Europe ; constat sur lequel il importe de s'interroger. Quoi qu'il en soit, ces pénuries sont réelles et elles ne cessent d'augmenter, y compris pour des médicaments indispensables. Alors est-ce qu'une régulation en particulier, un prix des médicaments les plus anciens, serait de nature à résoudre l'ensemble des problèmes ? Nous n'avons pas étudié cette question de façon rigoureuse. À titre personnel, je pense que les marchés des médicaments étant totalement internationaux, l'augmentation du prix ne peut pas être l'unique réponse. En effet, il n'est pas certain qu'une augmentation du prix en France fasse évoluer les modes de production industrielle. En revanche, chaque cause provient de sources différentes et le plan en cours adresse un certain nombre de ces causes. En tout cas, pour ma part, je pense qu'une réponse européenne, adressant un marché nettement plus large, serait probablement de nature à résoudre plus efficacement ces situations de pénurie.
Vous attirez mon attention sur les alertes de sociétés savantes relativement à l'accès des Français aux médicaments innovants. Je m'inscris totalement en faux, et de façon assez véhémente, contre ces propos. La France a mis en place des dispositifs facilitant l'accès des Français à des médicaments innovants dans le cadre de pathologies graves impactant leur pronostic vital. Cet accès est autorisé de façon extrêmement précoce, voire un an avant l'autorisation de mise sur le marché (AMM), alors que nous disposons de peu de renseignements sur le médicament. Cependant, dans des situations graves qui offrent peu d'alternatives, ce système permet aux patients de bénéficier de ces traitements sur une présomption d'efficacité. La HAS, après un avis de l'ANSM, rend des décisions sur ces accès précoces. Ce dispositif fonctionne correctement. Il a représenté un appel d'air très important pour les industriels et il est très bénéfique pour les patients. En dix-huit mois, sur cent onze dossiers clos dans des délais moyens de soixante-huit jours pour chaque dossier – donc extrêmement rapides –, le taux d'acceptation est supérieur à 80 % et atteint près de 90 % en oncologie. Les Français ont accès aux innovations sur une seule présomption d'efficacité.
Ensuite, l'appréciation de droit commun, c'est-à-dire pour la prise en charge habituelle par la sécurité sociale, suscite des interrogations des professionnels ou des patients sur les critères de notations de HAS. Il convient de comprendre que ces médicaments sont acceptés par la HAS pour le remboursement. La commission de la transparence rend deux avis. Le premier concerne l'acceptation ou non de la prise en charge du traitement, ce que, dans notre jargon, nous appelons le service médical rendu. Le second avis évalue le montant de l'amélioration du service médical rendu (ASMR) de sorte que le ministère puisse ensuite calibrer le prix remboursé sur ce médicament. S'ouvre alors une discussion avec l'industriel sur la base de cette appréciation afin déterminer le prix de remboursement.
L'ensemble des médicaments que vous mentionnez ont obtenu des SMR suffisants. Cela signifie que la HAS a émis un avis favorable à leur remboursement. Les données dont nous disposons pour ces médicaments sont de plus en plus légères parce que les AMM sont désormais conditionnelles. Dès lors, les dossiers d'AMM qui nous parviennent comportent de nombreuses incertitudes sur la quantité de progrès que représente le médicament pour les malades. Si nous ne disposons pas de données suffisantes pour attester le progrès, nous ne pouvons pas conclure sur l'amélioration – c'est le fameux ASMR 5 qui nous est reproché. Néanmoins, ce critère est très important dans l'évaluation du prix du médicament. L'industriel allègue une amélioration importante, mais il ne la démontre pas. Dès lors, nos ressources étant ce qu'elles sont, il importe que nous remboursions les médicaments au prix qu'ils méritent. L'amélioration constitue donc un critère non pas d'accès au traitement, mais de négociations de prix entre le Comité économique des produits de santé (Ceps) et le ministère.
Il est possible qu'il faille faire évoluer les critères d'appréciation et, peut-être, distinguer les cas dans lesquels le dossier montre qu'aucune amélioration n'est constatée par rapport à ce qui existe des cas où les données ne sont pas suffisamment matures pour pouvoir évaluer réellement le progrès. Dans le premier cas, il est possible de le rembourser, mais à un prix équivalent ou un peu inférieur – décision qui ne nous appartient pas – et dans le second cas, l'accès sera autorisé, mais la négociation de prix sera un peu différente. Il convient de bien distinguer ce qui est du domaine de l'accès et ce qui relève du domaine de la négociation de prix, de l'évaluation du progrès dont dépend cette négociation de prix.
Dès lors, affirmer que les Français n'ont pas accès aux thérapies innovantes relève vraiment de la mauvaise foi. Je pense qu'il existe encore une évaluation objective et scientifique, sans conflit d'intérêts et au bénéfice du malade.
Parfois, des médicaments présentent des modes de développement très particuliers qui ne permettent pas de procéder à des essais classiques comparatifs. Ceux-ci sont acceptés par la commission de la transparence et la HAS depuis plusieurs années. D'ailleurs ils reviennent avec des données consolidées. Certains démontrent qu'ils représentent un véritable progrès et d'autres n'apportent aucune efficacité supplémentaire. Il convient alors de revoir les évaluations. Les chiffres montrent qu'environ la moitié des progrès revendiqués ne sont pas obtenus en fin de compte. Un médicament sur deux ne tient pas ses promesses.
Certains médicaments sont obtenus selon des modes de développement qui rendent ces essais comparatifs complexes. La commission de la transparence, dans sa nouvelle doctrine, accepte des comparaisons dites « indirectes » et externes, mais à condition qu'elles soient de qualité correcte. Pour juger de l'amélioration du progrès que constitue un produit de santé, qu'il soit un médicament ou un dispositif médical, il importe de disposer de données. À défaut, l'évaluation de ce progrès n'est pas possible.
La dernière question que vous m'aviez posée est revenue à plusieurs reprises. Elle concerne la spécificité française dans la prise de décision pour les obligations vaccinales. La particularité de la France réside dans la réticence de nos concitoyens à se faire vacciner. Dès lors, le taux de couverture vaccinale est très inférieur à celui de nos voisins. Je rappelle que, dans nos premières recommandations, nous n'avions absolument pas préconisé l'obligation vaccinale des soignants contre la covid-19 ; nous avions conseillé de les convaincre. Petit à petit, les mois passant, la couverture vaccinale s'avérant très insuffisante et des clusters se développant aussi bien dans les hôpitaux que dans les Ehpad, nous avons fini par conseiller une obligation vaccinale afin que le taux de vaccination augmente. Je signale que chez nos voisins anglais, alors qu'ils n'ont jamais imposé la vaccination, la couverture vaccinale des soignants s'élève à 94 % et ils n'ont donc pas besoin d'obligation vaccinale. En France, nous avons besoin d'une obligation vaccinale, ou au moins d'une évaluation fine à laquelle nous avons procédé via la consultation publique, parce que notre société civile est plus réticente au vaccin que beaucoup d'autres pays étrangers et que les recommandations auxquelles nous procédons habituellement ne suffisent pas à obtenir les taux de couverture qu'obtiennent nos voisins. Nous en sommes un peu jaloux, mais c'est ainsi.
M. Rousset me demandait les résultats de cette consultation publique. La HAS y trouve un intérêt non seulement parce qu'elle est une institution indépendante, indépendante des laboratoires, des intérêts corporatistes, du politique, etc., mais également en raison de ses méthodes de travail. La HAS ne constitue pas un groupe de professionnels qui, autour d'une table, va décider de ce qui est le mieux pour les patients. Elle travaille selon des méthodes extrêmement standardisées, qui sont internationales et validées au niveau international. Ces méthodes comprennent non seulement la recherche, mais également une analyse standardisée de la bibliographie. Elles requièrent l'avis de groupes de travail de sorte à disposer de l'expérience des professionnels et de l'expérience des patients ou de celle des personnes accompagnées puisque nous les appliquons également dans le domaine social et médico-social. Ces méthodes apportent de la légitimité à nos travaux et nous sommes une fabrique de consensus parce que nous utilisons ces méthodes. Dès lors, la HAS ne délivre pas un avis, mais des recommandations fondées sur des analyses extrêmement protocolisées de la littérature et de l'avis des professionnels. Ceci prend un peu plus de temps, mais je vous rappelle que, pendant la crise sanitaire, nous avons condensé toutes les étapes pour rendre des avis en huit jours. Cependant, nous ne pouvons assumer un tel rythme à long terme. Certains chefs de service se couchaient tous les jours à trois heures du matin et n'avaient ni vacances, ni samedi, ni dimanche. Ce n'est pas envisageable toute l'année et tout le temps pour tous les sujets. Nous avons néanmoins assumé ce rythme pendant plus de deux ans, le temps qu'a duré la crise sanitaire, mais désormais, je ne demande plus à mes équipes de se coucher à trois heures du matin tous les jours.
Par ailleurs, si les consultations publiques prennent du temps, elles permettent néanmoins, dans des domaines controversés, de disposer de l'avis de tout le monde. D'ailleurs il est arrivé que ces consultations modifient totalement notre positionnement. À titre d'exemple, nous avions a priori décidé de ne pas intégrer la vaccination contre le méningocoque B dans la stratégie vaccinale et nous avons finalement changé d'avis grâce à la consultation publique.
Alors, qu'a-t-elle apporté pour le covid ? Il est important de prendre le temps du débat et de la discussion. Les professionnels de santé étaient très inquiets de cette levée de l'obligation vaccinale parce qu'ils craignaient que cela diminue l'adhésion à la vaccination. Cependant notre avis ne remet absolument pas en cause la décision que nous avons prise en 2021 et en 2022 et je reprendrais la même décision s'il le fallait. En effet, lorsque des dizaines, des centaines de personnes mouraient en Ehpad, que des clusters étaient identifiés à l'hôpital, il était essentiel que les soignants soient vaccinés non seulement pour se protéger eux-mêmes, mais également pour soigner les personnes fragiles dont ils s'occupaient. Notre récent avis ne remet absolument pas en cause l'importance et l'intérêt majeur de la vaccination. En revanche, nous nous conformons à des critères stricts sur la base desquels nous réactiverions, le cas échéant, une obligation vaccinale des Français en raison de leur profession. Nous avons publié notre note de cadrage et elle comprend les paramètres et les critères sur lesquels nous nous appuierions pour prendre cette décision. Il s'agit de critères de pression épidémique, de transmission des soignants à des personnes fragiles, d'immunité collective, de possibilité d'exposition spécifique des soignants – particulièrement exposés, par exemple, à l'hépatite contre laquelle nous avons maintenu l'obligation de vaccination. Ces critères n'étant plus tous réunis, aujourd'hui, même si la vaccination reste efficace contre les formes sévères et contre les hospitalisations, même si elle reste nettement moins efficace contre l'infection et la transmission, nous recommandons fortement aux professionnels de se faire vacciner à l'automne prochain et aux personnes fragiles de se faire vacciner deux fois par an quand elles en ont besoin.
Notre décision ne constitue donc absolument pas un désaveu de ce qui a été fait et de la vaccination en général. Au contraire, c'est le succès de cette obligation vaccinale qui nous permet aujourd'hui de la retirer puisque la couverture vaccinale est atteinte.
Je ne parlerai pas au nom du CCNE. Le professeur Delfraissy m'a indiqué que le CCNE rendrait son avis avant l'été. Il se prononcera sur les aspects éthiques liés à une obligation ou à un retrait d'obligation. La HAS a été saisie et elle s'est prononcée sur des critères médicaux et scientifiques qui lui ont permis de lever cette obligation pour la covid-19 ; obligation qu'elle maintient, voire étend, pour l'hépatite parce que nous pensons que les professionnels exposés, qu'ils travaillent dans le public ou dans le privé, doivent être vaccinés.
Cette obligation a-t-elle aggravé la méfiance ou la défiance par rapport au vaccin ? Je ne le crois pas. Je répète que nous avons été amenés à préconiser une obligation vaccinale parce que nous n'arrivions pas à obtenir le taux de vaccination qui permettait de mettre à l'abri les personnes fragiles qui résident dans nos établissements de santé ou dans nos établissements sociaux et médico-sociaux.
Force est de constater, bien sûr, que l'épidémie de covid n'est pas terminée et que nous subissons encore des pics épidémiques. Néanmoins, le ratio de formes sévères diminue à chaque pic et il est donc nécessaire de continuer à nous protéger. C'est la raison pour laquelle nous pensons que, dans un établissement de santé, la véritable protection résidera également dans le respect des mesures barrières. Il faut garder des masques. Il faut se laver les mains. Ces mesures valent non seulement contre la covid, mais également contre l'ensemble des maladies transmissibles. Il importe que, dans les lieux de soins, les soignants soient particulièrement attentifs à ne pas contaminer les personnes dont ils s'occupent.
S'agissant du retard que nous avons pris par rapport aux autres pays, j'ai expliqué les raisons pour lesquelles nous avions jugé qu'une consultation publique était nécessaire alors qu'elle ne l'était pas dans d'autres pays pour obtenir des taux de couverture vaccinale suffisants.
La Haute Autorité de santé représente le symbole d'une maturité démocratique qui conduit la France, dans le domaine de la santé, à séparer l'expertise scientifique de la décision. Je crois que cette distinction est extrêmement importante parce qu'elle garantit l'indépendance de l'expertise scientifique. Elle permet que l'expertise scientifique se déroule sans pression. Toutefois, nous acceptons très bien que le ministère ne reprenne pas nos recommandations parce qu'il peut être soumis à d'autres contraintes, financières, sociétales, etc. L'aspect scientifique représente un des critères d'une décision politique et les décisions politiques ne nous appartiennent pas. Notre rôle consiste à émettre un avis scientifique qui vise à éclairer la décision politique.
Quid de notre conservatisme vis-à-vis des thérapies innovantes ? Je vous ai fait part de l'ensemble de nos évolutions. Les six années que j'ai passées à la Haute Autorité de santé me permettent d'affirmer que cette institution est en constante évolution. La crise sanitaire l'a clairement démontré puisque nous avons adapté totalement nos processus afin de répondre sous huit jours à une sollicitation, à une stratégie vaccinale, à un nouveau vaccin qui arrivait, à des tests – toute la première partie de la crise a été marquée par des tests –, à des réponses rapides parce qu'il fallait aider les professionnels dans un contexte où ne ils ne savaient plus comment s'occuper d'une femme enceinte ou d'un diabétique. Les dentistes ne savaient plus comment soigner leurs patients dans un cabinet. Nous avons gardé nos principes, gardé nos méthodes et répondu dans des temps record, avec ce que nous avons appelé des « réponses rapides ».
Nous sommes de plus en plus impliqués dans l'évaluation des dispositifs numériques, du numérique en santé, de la télémédecine, de l'intelligence artificielle et nous avons totalement évolué de sorte à acquérir cette expertise qui se construit au fil du temps.
Nous avons construit intégralement, pour les domaines social et le médico-social, un système d'évaluation externe de la qualité qui est absolument indispensable. Les événements survenus dans les Ehpad au cours de l'année dernière nous l'ont bien montré. D'ailleurs, vous serez sollicités pour faire évoluer la loi puisque la labellisation des organismes certificateurs ne relèvera pas de la HAS, mais du Comité français d'accréditation (Cofrac). Nous ne disposions pas de moyens suffisants pour assumer cette tâche. En effet, je rappelle que nous comptons quarante mille services et établissements sociaux et médico-sociaux et la charge s'avérait trop importante pour nous. Les organismes accrédités procèderont à ces évaluations que nous analyserons. Ces organismes ont été accrédités sur la base des exigences du Cofrac auxquelles s'est ajouté l'ensemble des exigences que la HAS a construites avec tout le secteur, dans le cadre de son service et de sa commission sociale et médico-sociale. Je crois que les acteurs ont vraiment joué le jeu et ont construit ce dispositif de façon tout à fait consensuelle.
Dans un discours de départ, ce matin, j'ai listé ce que nous avions réalisé. J'en oublie probablement parce que nos actions ont été nombreuses. Je dois mentionner les innovations des actes : nous avons poussé la thrombectomie, la dilatation des valves aortiques, les mécanismes dérogatoires qui sont en place sur les dispositifs médicaux et sur les actes médicaux, la prise en charge de toute l'innovation organisationnelle qui nous paraît également très importante, etc.
La HAS a montré qu'elle était capable d'évoluer vite et je pense qu'elle continuera à évoluer parce que le secteur est tellement changeant qu'il faut s'adapter en permanence.
S'agissant de la santé environnementale, une partie de ce travail est réalisée par l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses), qui est responsable de tout ce qui concerne l'environnement. Cependant, nous travaillons en concertation avec l'Anses, Santé publique France et avec le Haut Conseil de la santé publique lorsqu'un problème environnemental cause un problème de santé et en particulier de santé publique. À titre d'exemple, nous collaborons dans la gestion des sites pollués et la protection des populations en regard. Ce travail est réalisé en synergie puisque chaque étape est importante. En premier lieu, l'Anses détermine des seuils de tolérance. En deuxième lieu, Santé publique France établit une corrélation entre les seuils et une pathologie donnée. Enfin, nous intervenons auprès des professionnels afin de leur fournir des recommandations d'actions à mener sur les territoires exposés. Donc, en effet, le projet stratégique de la HAS contient un engagement sur les enjeux environnementaux et nous agissons au quotidien dans ce domaine.
Par ailleurs, nous avons mis en place un groupe de travail afin de renforcer l'action environnementale de la HAS et d'étudier les modalités de son intégration dans chacune de nos missions. À titre d'exemple, nous étudions la possibilité d'intégrer des critères environnementaux à nos évaluations de produits de santé.
Ces réflexions sont menées non seulement à la HAS, mais également au niveau européen et international. Nous intégrons de plus en plus ces préoccupations environnementales dans nos processus d'évaluation.
S'agissant de l'influence des réseaux sociaux, il est clair qu'ils véhiculent de très nombreuses informations. La HAS le constate, mais elle n'a pas le pouvoir de s'y opposer. Toutefois, nous essayons d'être le plus pédagogiques possible en expliquant en quoi consistent un raisonnement adapté et une bonne pratique. Les réseaux sociaux diffusent des allégations de santé, détournent des usages. Ce n'est pas pertinent. Nous donnons des outils non seulement aux professionnels, mais également aux patients et aux citoyens afin de trouver, de comprendre et de discerner la vraie information de la fausse information. Nous n'avons cessé d'agir en ce sens pendant la crise sanitaire. Au-delà des conférences de presse que nous tenions pour diffuser nos avis, nos équipes étaient constamment présentes auprès des journalistes afin de leur apporter des explications les plus claires possible. À titre d'exemple, les journalistes – et donc les citoyens – ne connaissaient pas la différence entre un test sérologique ou un test virologique. Ils ne savaient pas pourquoi certains tests étaient réalisés dans le nez et d'autres dans la gorge. Nous passions des heures à leur expliquer quelles étaient les différences, sur quels critères, à qui le dispositif s'adressait, quels étaient les avantages et inconvénients, etc. Nous nous attachons à diffuser un raisonnement scientifique et un avis scientifique. Malheureusement, la lutte contre les réseaux sociaux est une véritable gageure qu'il nous appartient de combattre collectivement.
S'agissant de la promotion, nous avons établi des règles pour les industriels du médicament relativement à la promotion du médicament. Nous travaillons sur les règles relatives à la promotion du dispositif médical. Nous savons que la promotion exerce une influence sur les pratiques. Ce constat est très largement démontré. Les professionnels de santé sont sensibles à la promotion des laboratoires et il existe des conflits d'intérêts qui sont susceptibles d'engendrer de la non-pertinence. Nous leur fournissons les outils qui sont nécessaires et qui leur sont utiles. Au-delà, seuls les systèmes de régulation peuvent faire évoluer la situation.
Force est de constater que nous rencontrons de véritables difficultés à recueillir les données en vie réelle à l'issue des accès précoces. En échange de cet accès extrêmement précoce aux produits innovants – c'est-à-dire, je le rappelle, parfois un an avant l'AMM –, nous demandons aux fabricants de médicaments d'utiliser cette période au cours de laquelle notre système de santé finance ces produits pour recueillir des données d'efficacité. Ces médicaments sont testés dans des phases très précoces de développement et les fabricants disposent de peu de données d'efficacité. Les accès précoces représentent la première utilisation du médicament en vie réelle hors protocole et les renseignements qu'apporte cette vie réelle sont complémentaires et donc très importants pour évaluer un médicament. Nous souhaitons que ces données recueillies en vie réelle soient utilisées lors de l'évaluation de la commission de la transparence afin d'améliorer la connaissance sur ce produit et éventuellement le score obtenu par le médicament. Le processus est doublement vertueux.
Il s'avère que les professionnels de santé rencontrent des difficultés à recueillir ces données parce qu'il ne s'agit pas de recherche clinique. En effet, dans le cadre d'une recherche clinique, les professionnels de santé disposent de personnels, les attachés de recherches cliniques (ARC), qui les aident et sont autorisés à consulter les dossiers médicaux liés au secret professionnel. Les ARC ne disposent pas de cette autorisation dans le cadre des accès précoces qui ne relèvent pas de la recherche clinique. Il revient aux professionnels eux-mêmes de remplir ses données. Dès lors, la question d'un élargissement du secret professionnel dans ce contexte peut vous être posée. Il s'agit certes d'une vraie question, mais elle se pose dans ce contexte de ressources contraintes. Néanmoins, ce recueil de données est sollicité en échange d'un service extrêmement important. La collectivité finance pour ces produits qui n'ont même pas encore obtenu l'AMM et il est essentiel que nous puissions disposer des données en retour.
Vous m'interrogez également quant aux travaux menés par la HAS au sujet de la fin de vie. La HAS n'est pas le ministère de la santé. Nous fournissons des outils et des recommandations et nous évaluons des produits. Nous donnons des outils aux professionnels et au ministère afin qu'ils évaluent les besoins, mais nous ne décidons pas des moyens. Il n'est donc malheureusement pas de notre ressort de décider des financements des soins palliatifs en France. En revanche, nous avons travaillé de sorte à fournir de nombreux outils aux professionnels de santé afin qu'ils s'inscrivent dans la loi. La loi Claeys-Leonetti représentait déjà un véritable progrès et elle est encore très peu utilisée en France. La sédation profonde et continue possible jusqu'au décès, par exemple, est sous-utilisée non seulement à domicile, bien sûr, mais également dans les établissements. Nous avons rédigé un guide pour les professionnels afin de les aider à appliquer le plus possible cette loi en déterminant de façon claire les conditions d'utilisation dans le respect de la réglementation. Évidemment, si la réglementation évolue, nous travaillerons avec les professionnels de sorte à leur fournir les meilleurs outils pour qu'ils s'inscrivent dans le cadre d'une nouvelle réglementation, d'une nouvelle loi. En effet, il ne suffit pas de décider d'un droit supplémentaire, il convient de se donner les moyens de l'appliquer et, dans ce domaine, cela s'avèrera probablement très complexe.
S'agissant des problèmes constatés en Guadeloupe, nous donnons des avis nationaux et l'adaptation sur les territoires n'est pas toujours aisée. Néanmoins, les arguments qui avaient poussé à une obligation étaient absolument intangibles à l'époque. Je répète que la HAS ne s'est pas prononcée sur l'exclusion ou la réintégration des soignants non vaccinés. Nous nous sommes prononcés sur l'intérêt d'une obligation vaccinale des soignants.
Dans les domaines du handicap et de l'autisme, vous faites état de différences d'homogénéité de prise en charge sur notre territoire et vous m'interpellez quant à ce que nous pourrions faire afin de faciliter ces prises en charge. Les différences de prise en charge sur nos territoires sont en effet une réalité dans les domaines sociaux et médico-sociaux et dans le domaine du handicap en particulier. Il y a déjà une dizaine d'années, nous avions émis une recommandation qui avait beaucoup fait évoluer les pratiques. La révision de cette recommandation sur la prise en charge de l'autisme est intégrée dans le programme de travail de la HAS de l'année prochaine et le cadrage de ces travaux est en cours. Dans l'intervalle, nous ne sommes pas restés inactifs. En 2018, nous avons produit des outils visant à accompagner les patients atteints d'autisme. Nous avions évalué les interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées chez l'enfant et l'adolescent. En 2022, nous avons publié deux rapports consacrés à une méthode spécifique de prise en charge de l'autisme parce que nous avions été mis en demeure de faire évoluer notre avis sur cette méthode. Cependant, les travaux que nous avons menés, la révision de la littérature et l'audition d'experts n'ont pas permis de modifier notre recommandation initiale. Au cours de cette même année, nous avons également fait des recommandations de bonnes pratiques sur les parcours de vie de l'adulte ainsi que sur les signes d'alerte, le repérage, le diagnostic et l'évaluation chez l'enfant et l'adolescent des troubles du spectre de l'autisme. Nous ne cessons de produire des outils pour faciliter la prise en charge par les professionnels de ces enfants, adolescents ou adultes handicapés.
La HAS donne des recommandations. Ensuite, il importe de disposer des moyens de les mettre en œuvre. Malheureusement, cette étape ce n'est plus de notre ressort.