Intervention de Grégoire de Roux

Réunion du jeudi 2 mars 2023 à 10h00
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Grégoire de Roux, directeur technique des activités offshore d'EDF Renouvelables :

. – EDF Renouvelables est un acteur historique de l'éolien, présent en Europe depuis dix ans, pour une puissance installée d'un peu plus de 1 500 mégawatts, dont 500 en France depuis novembre avec le parc de Saint-Nazaire. 1 500 mégawatts supplémentaires sont en cours de construction, avec les champs de Fécamp, Courseulles et Provence Grand Large, et 3 000 mégawatts supplémentaires sont en phase de « pré-construction », comme par exemple le champ de Dunkerque.

Les chiffres de notre activité de prospection et de développement atteignent aujourd'hui quasiment 15 gigawatts, un ordre de grandeur caractéristique de cette industrie en très forte croissance.

Actuellement, EDF Renouvelables est principalement présent sur le posé. Mais il est également très actif sur le flottant, qui est beaucoup moins mature. Dans le monde, le posé totalise une cinquantaine de gigawatts installés quand le flottant ne représente encore que 123 mégawatts installés. La France se distingue à cet égard : dans nos trois parcs pilotes méditerranéens, 75 mégawatts vont bientôt être mis en service, ce qui, au regard des 123 mégawatts mondiaux, est loin d'être anecdotique. Des appels d'offres de 250 mégawatts sont à venir. Ce sont encore de petits volumes, mais les opportunités sont nombreuses, et ceci dans toutes les régions du monde.

Nous travaillons sur différents fronts et dans différentes régions : aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Asie, et évidemment en France, avec le projet Provence Grand Large qui sera mis en service à la fin de l'année, ou avec différents appels d'offres commerciaux auxquels nous participons.

Nous avons fait le choix technologique de considérer une grande variété de flotteurs. Par exemple, des flotteurs semi-submersibles dits à stabilité de forme, dont l'ancrage n'affecte pas directement les mouvements du flotteur. Pour l'appel d'offres français, on s'est intéressé aux barges, avec des flotteurs plus compacts, qui déplacent un peu plus d'eau. Citons aussi la technologie assez atypique du projet Provence Grand Large, qui est une plateforme à ligne tendue : il faut imaginer un ancrage qui tire le flotteur sous l'eau, participant ainsi directement au mouvement du premier rang du flotteur et donc à la façon dont la turbine va vivre l'excitation dynamique liée à l'environnement marin.

Cette variété technologique est un choix délibéré de la part d'EDF Renouvelables. Nous sommes convaincus que c'est à travers un exercice détaillé avec plusieurs flotteurs que nous deviendrons compétents. Cela nous permettra de lever certains verrous technologiques, et d'atteindre l'échelle commerciale que nous visons tous. Et nous serons plus efficaces en expérimentant ces nouveaux concepts sur un site réel, avec un vrai port et des fabricants, qu'en travaillant sur des exercices papier théoriques qui auraient vocation à trouver une technologie universellement pertinente. Nous n'en sommes pas encore là.

L'idée même de projet pilote mise en œuvre en France, et avec Provence Grand Large, est très féconde. Le projet est encore en phase de fabrication et sera installé cet été, mais les apports et le retour d'expérience bénéficient déjà directement aux appels d'offres en cours et sont très importants pour la filière.

De nombreuses questions subsistent sur cette échelle commerciale – cela a été évoqué notamment au sujet de l'industrialisation de la fabrication des flotteurs. Si l'on considère le taux de croissance des prochaines années, on obtient le chiffre de 3 ou 4 gigawatts par an, ce qui correspond, pour la technologie utilisant l'acier, à quasiment un million de tonnes par an, soit environ 15 % de la construction navale mondiale. Les enjeux en termes de disponibilité, de moyens et d'intérêt des différents acteurs pour la filière sont importants et doivent donc être correctement évalués.

Pour parvenir à l'échelle industrielle sur le flottant, un autre point important pour tous les développeurs de France Énergies Marines est celui de la maintenance des parcs, et notamment la possibilité de réparations directement en mer. On s'est longtemps attaché à des questions de design : cela va-t-il flotter ? Cela va-t-il tourner avec un flotteur qui bouge ? Cette étape semble franchie et désormais, la question de la maintenance influe sur la pertinence de tel ou tel flotteur.

L'industrialisation demande de l'innovation, et donc une certaine vigilance et une ouverture à ce qui est proposé, à ce qui peut-être demain nous fera préférer un flotteur qu'on regarde un peu moins aujourd'hui.

Si l'on doit résumer notre vision du flottant aujourd'hui, la première chose me paraît être la nécessité d'un changement d'échelle. L'augmentation de la taille des turbines fait que, pour une taille de parc donnée, on a moins de flotteurs. Et si l'on veut commencer à fabriquer des flotteurs en série, il nous faut des parcs encore un peu plus grands. Les appels d'offres Bretagne-Sud et Méditerranée, avec 250 mégawatts, sont déjà de beaux projets, mais ils ne permettent pas encore de profiter à plein de l'effet d'échelle. La baisse du coût du flottant est fonction du volume et de la taille des projets, et à cet égard il est difficile de donner une date indépendamment du nombre de projets installés et des volumes fabriqués.

Un deuxième point important sur le flottant est la visibilité. Les questions de planification sont cruciales pour les industriels, et surtout pour les infrastructures portuaires : les projets pris isolément ne seront pas suffisants pour mettre à niveau les ports de nos façades sur l'éolien flottant. Il s'agit donc d'établir un programme pour savoir comment transformer nos ports, qui constituent déjà en eux-mêmes des atouts de proximité évidents. Des travaux et des adaptations sont à prévoir.

Le flottant est enthousiasmant et innovant, et sa technologie suscite naturellement l'intérêt. Je pense néanmoins, et c'est mon dernier point, que le posé n'a pas dit son dernier mot. Cette technologie est compétitive de façon avérée. La profondeur limite d'installation est aujourd'hui de 50 mètres, parfois de 60 mètres ou 70 mètres, mais il n'existe pas en réalité de limitation technique. Les pétroliers installent des structures fixes dans 200 ou 300 mètres d'eau.

Évidemment, cela n'aurait pas de sens d'installer un champ de 100 éoliennes dans 300 mètres d'eau. Mais nous devons garder en tête que la limite n'est pas technique mais plutôt technico-économique. Si le flottant met un peu plus de temps que prévu à faire baisser son coût, le posé aura peut-être la possibilité d'aller un petit peu plus profond. Dans le partage futur entre flottant et posé, je suis très optimiste pour le flottant, mais le sujet est dynamique et mouvant.

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