Les lobbys imprègnent l'atmosphère du Parlement européen. Il n'est donc pas surprenant qu'ils influencent les décisions des députés. Au contraire, nous avons voulu fédérer des travailleurs de plateformes venus de tous les pays de l'Union européenne, car il leur est très difficile de s'organiser en collectifs ou en syndicats. Même s'ils parlent chacun une langue différente, ils tiennent le même discours et les mêmes revendications : ainsi réunis, ils peuvent faire basculer le rapport de force en leur faveur. La Commission européenne n'a eu d'autre choix que de les entendre.
Dans le cadre d'un forum des alternatives à l'ubérisation, Nicolas Schmit, commissaire responsable de l'Emploi et des Droits sociaux, avait reçu les travailleurs. Lorsque la Commission, puis le Parlement, se sont aperçus que leurs travaux étaient scrutés non seulement par les lobbys, mais aussi par les travailleurs, une pression s'est exercée à leur encontre : elle n'allait pas dans le sens de l'intérêt des plateformes mais elle servait l'intérêt général. Ce renversement est inhabituel, mais nous avons tous à y gagner – y compris pour rappeler que les institutions européennes peuvent se révéler utiles sur le plan social.