Intervention de Leïla Chaibi

Réunion du jeudi 30 mars 2023 à 16h00
Commission d'enquête relative aux révélations des uber files : l'ubérisation, son lobbying et ses conséquences

Leïla Chaibi, députée européenne, vice-présidente de la commission de l'Emploi et des Affaires sociales au Parlement européen et rapporteure fictive sur le projet de directive relative à l'amélioration des conditions de travail dans le cadre du travail via des plateformes :

Dans son étude d'impact, la Commission européenne estime que 28 millions de travailleurs indépendants utilisent une plateforme pour être mis en relation avec leurs clients. Parmi eux, 5 millions devraient être requalifiés sur la base de deux critères de subordination remplis sur trois ; ils ne seraient plus que 3 millions s'il fallait remplir trois critères, et 2 millions pour quatre critères.

Teddy Pellerin, le directeur général de Heetch, me le confiait lui-même : la fixation des tarifs par les plateformes figure par exemple parmi les critères de subordination, mais il suffit que la plateforme fixe seulement un tarif maximum pour échapper à l'application de ce critère. Il en va de même si elle ne choisit pas l'équipement du travailleur, mais qu'elle le lui conseille – tout en prenant des sanctions s'il n'est pas retenu !

Il me semble que le SGAE est encore dans la perspective d'une présomption d'indépendance, selon laquelle les critères sont invalidés par le juge. C'est le deuxième scénario de l'étude d'impact de la Commission européenne. Les critères doivent alors être contestés par le travailleur auprès du juge. Désormais, la position de la Commission est en faveur d'une présomption de salariat qui peut être contestée par la plateforme. Dès lors, les critères sont nécessaires.

Par ailleurs, il faut bien noter que si 5 millions de faux indépendants doivent demander une requalification auprès du juge, il faut s'attendre à un embouteillage massif dans tous les tribunaux d'Europe. L'article 4 de la proposition du Parlement validée en février stipule une présomption de salariat : il revient aux États membres de mettre en œuvre le cadre qui la rendra effective. S'ils ne le font pas, les autorités administratives – en France, l'inspection du travail – en sont chargées ; dans le cas où elles ne le feraient pas, un syndicat ou un travailleur peut alors faire un recours devant le juge. Toutefois, contrairement à la situation actuelle, la plateforme doit généraliser la décision du juge à l'ensemble de ses travailleurs qui sont soumis au même contrat dans les deux mois. En revanche, si la plateforme estime qu'elle opère une simple mise en relation, en vertu de l'article 5, elle peut apporter les preuves de l'indépendance de ses travailleurs à l'autorité administrative. Je comprends donc mal les arguments du SGAE : peut-être pensent-ils que nous sommes toujours dans une logique du renversement de la charge de la preuve.

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