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Intervention de David Thesmar

Réunion du jeudi 30 mars 2023 à 15h00
Commission d'enquête relative aux révélations des uber files : l'ubérisation, son lobbying et ses conséquences

David Thesmar, Professeur d'économie au Massachusetts Institute of Technology (MIT) :

Un grand nombre de sociétés défendent leur modèle économique, pour des raisons généralement sincères, et s'appuient pour cela sur des études. Les chauffeurs de taxi en ont fait de même. Toutes les entreprises utilisent des arguments économiques pour défendre leur activité. A la fin, on peut débattre de ces arguments.

S'agissant du contenu de l'étude, nous avons mené une enquête auprès des chauffeurs Uber. Sur les 7 000 chauffeurs interrogés, nous avons obtenu un taux de réponse d'environ 10 % – ce qui est habituel. Nous leur demandions comment ils envisageaient leur travail, et si ce dernier représentait pour eux d'un métier d'appoint ou à temps plein. Nous avons couplé les résultats du sondage avec les données fournies par Uber, afin de savoir combien d'heures par jour ils utilisaient l'application. Une majorité des répondants considéraient cette activité comme un travail à temps plein : ils y consacraient plus de trente heures par semaine et l'envisageaient sur le long terme.

Cette enquête a aussi permis d'obtenir des informations sur l'âge, le genre et le niveau de diplôme des chauffeurs. Nous avons ainsi pu évaluer le taux de chômage auquel ils étaient exposés. Il s'agit majoritairement de jeunes dont le niveau de diplôme ne dépasse pas le bac. Le taux de chômage de cette catégorie de population était très élevé en France : il était de 12 %, soit deux points de plus que celui de la population générale. Ainsi, nous en avons conclu qu'Uber attirait sur le marché du travail des personnes qui en sont éloignées.

S'agissant enfin de la question de la déconnexion, il faut d'abord noter que le travail indépendant peut s'appréhender sous deux angles différents. D'une part, on peut considérer que les travailleurs savent que ce statut leur convient : dès lors, la plateforme peut décider de ne sélectionner que les meilleurs chauffeurs en élevant des barrières importantes à l'entrée. D'autre part, si on estime que les travailleurs souhaitent seulement expérimenter ce statut, il est préférable de leur permettre d'utiliser l'application très facilement – aussi parce qu'il est très coûteux d'empêcher des personnes de travailler. Nous avons montré que la plateforme entraîne ce type de comportements : étant donné que la génération de recettes horaires est très hétérogène entre les chauffeurs – certains parvenant mieux que d'autres à maximiser leurs revenus, en profitant par exemple de la hausse des prix pendant les heures de pointe –, ceux qui ne sont pas satisfaits de leurs gains ont davantage tendance à quitter la plateforme. Je suppose qu'il en allait de même en 2014, même si je n'ai pas eu l'occasion d'observer les données relatives à cette année. Peut-être que M. MacGuann a d'autres informations.

Il s'agit donc d'une étude qui a demandé beaucoup de travail : il a fallu faire les questionnaires, les relire, analyser les réponses, lire la littérature sur le sujet, analyser les résultats par rapport aux données de l'emploi dans la profession, faire les tableaux, récupérer les données d'Uber, définir l'échantillon, analyser l'échantillon, etc. – tout cela prend du temps – puis rédiger l'étude, soit facilement dix jours pleins de travail comme je vous l'ai dit.

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