Chers collègues, nous avons l'honneur d'accueillir en visioconférence David Thesmar, Professeur au Massachusetts Institute of Technology (MIT). Monsieur Thesmar, nous vous souhaitons la bienvenue et vous remercions de vous être rendu disponible pour participer à cette audition.
À partir du 10 juillet 2022, plusieurs membres du consortium international de journalisme d'investigation (ICIJ) ont publié ce qui est désormais convenu d'appeler les Uber files, s'appuyant sur 124 000 documents internes à l'entreprise américaine, datés de 2013 et 2017. Cette enquête a dénoncé un lobbying agressif de la société Uber pour implanter en France, comme dans de nombreux pays, des véhicules de transport avec chauffeur (VTC), venant concurrencer le secteur traditionnel du transport public particulier de personnes réservé jusqu'alors aux taxis.
Notre commission d'enquête poursuit un double objet : d'une part, identifier l'ensemble des opérations de lobbying qui ont été menées par Uber pour s'implanter en France, le rôle des décideurs publics de l'époque et émettre des recommandations concernant l'encadrement des relations entre les décideurs publics et les représentants d'intérêts ; d'autre part, évaluer les conséquences économiques, sociales, environnementales du développement du modèle Uber en France – de l'ubérisation de l'économie – et les réponses apportées et à apporter par les décideurs publics en la matière.
Les Uber files évoquaient notamment l'étude que vous avez produite avec l'économiste Augustin Landier, cosignée par un employé d'Uber, M. Daniel Szomoru. Vous y décriviez le profil des chauffeurs Uber en France, soulignant que cette entreprise permettait à des milliers de jeunes exclus du marché du travail d'exercer une activité leur assurant une rémunération équivalente au double du Smic. Publiée en mars 2016, cette étude mentionnait qu'elle avait été commandée par la société Uber. Cependant, elle a donné lieu à des controverses.
Nous souhaiterions connaître l'origine des données et statistiques sur lesquelles vous vous êtes appuyé : étaient-elles issues du Gouvernement ou de l'entreprise Uber ? Avez-vous choisi ou non de comptabiliser des auteurs qui avaient délaissé l'application ? Avez-vous cherché à maquiller le fait que la rémunération indiquée, brute, ne prenait pas en compte les charges qui incombent aux chauffeurs ?
En effet, cette étude a pu être utilisée par Uber pour promouvoir l'utilisation de son application auprès de ses chauffeurs ou de travailleurs potentiels. Les documents internes publiés dans le cadre des Uber files expliquent que la démarche d'Uber consistait à faire objectiver son modèle économique par des scientifiques ou des économistes de renom. Cette audition vous permettra donc d'expliquer la démarche scientifique et intellectuelle que vous avez adoptée.
Je précise que cette audition est publique et retransmise en direct et en différé sur le site de l'Assemblée nationale.
Je rappelle que l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes entendues par une commission d'enquête de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc à lever la main droite et à dire : « Je le jure ».