Intervention de Benjamin Haddad

Réunion du jeudi 30 mars 2023 à 12h00
Commission d'enquête relative aux révélations des uber files : l'ubérisation, son lobbying et ses conséquences

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBenjamin Haddad, président :

Il a beaucoup été question aujourd'hui, lors de nos auditions, de la HATVP. Nous allons d'ailleurs recevoir son président, Didier Migaud. Si on élargit un peu la perspective, les modèles anglo-saxons, que je connais bien pour avoir travaillé à Washington, où il existe un encadrement des think tanks et des lobbys – et je pense que les institutions européennes s'inspirent un peu de ces modèles – ont tendance à pousser plus loin que nous l'exigence de transparence mais c'est le contrepoids d'une absence beaucoup plus marquée de régulation. Le financement de la vie politique américaine en est le meilleur exemple : des milliards de dollars sont dépensés lors des élections présidentielles – et certaines entreprises privées vont jusqu'à financer les deux camps – mais il existe une obligation de transparence. La philosophie de ce système est qu'il ne peut pas y avoir de corruption puisqu'on sait exactement d'où viennent les fonds. Dans les faits, on se rend compte que l'action publique a tendance à être biaisée par l'influx d'argent. Ces modèles permettent aussi les allers-retours entre le public et le privé.

Ne risquons-nous pas d'exiger de la transparence sans avoir sa contrepartie qui est la fluidité du système ? Je pense notamment aux allers-retours entre le privé et le public. Nous avons des règles assez contraignantes, par exemple pour ce qu'un ancien ministre peut faire, notamment depuis la loi « Sapin 2 » : il ne peut pas travailler dans une industrie qui serait entrée dans ses anciennes prérogatives, parce que cela pourrait l'exposer à des conflits d'intérêts. N'a-t-on pas tendance à confondre, avec ce genre de règles – nous en avons parlé avec Mme Genetet –, la possibilité d'un conflit d'intérêts et son existence ? Le fait d'être exposé à un lien d'intérêt ne veut pas dire qu'on est corrompu ou qu'il y a effectivement un conflit d'intérêts. En imposant de la transparence et, en plus, des règles assez contraignantes au sujet des allers-retours entre le public et le privé, ne se prive-t-on pas – mais c'est peut-être un biais philosophique de ma part – de personnes qui ont développé une expertise dans le privé et qui voudraient ensuite utiliser cette expérience dans le public, au sein de la vie politique ou dans l'administration, pour répondre à des besoins de l'État, et inversement de personnes qui auraient envie de passer un peu de temps dans le privé, en monétisant non pas leurs contacts, mais – pardon de le dire en des termes un peu crus – leur expérience, leurs compétences, dans le cadre de carrières et de parcours individuels ?

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