Intervention de Stanislas Chastel

Réunion du jeudi 30 mars 2023 à 9h00
Commission d'enquête relative aux révélations des uber files : l'ubérisation, son lobbying et ses conséquences

Stanislas Chastel, cofondateur de la plateforme Mediflash :

Nous sommes une plateforme créée par des soignants pour des soignants. Notre approche du modèle « plateforme » est complètement différente de celle d'Uber. Aujourd'hui, les soignants peuvent librement s'inscrire sur notre site et accéder à notre application, sur laquelle ils peuvent retrouver toutes les missions proposées par les établissements de santé.

Nous leur laissons une liberté totale dans le choix de leurs missions et de l'organisation de leur temps. De ce fait, ils se sentent valorisés et apprécient la souplesse du statut qui leur permet d'obtenir de bonnes rémunérations. En outre, nous leur proposons un suivi personnalisé. Nous sommes d'ailleurs en train de nouer des partenariats avec des écoles de formation pour aider chaque soignant qui le souhaite à monter en compétence.

Ce modèle est très plébiscité par les soignants et nous sommes convaincus que cette liberté permet ainsi de redonner de l'attractivité aux métiers du soin. Depuis notre création, 22 000 professionnels de santé se sont inscrits sur notre plateforme et 2 500 ont réalisé des missions grâce à elle, dans plus de 500 établissements.

Réhabiliter le soignant et rendre plus attractives les professions de santé permettent d'améliorer le système de santé et d'aider les établissements dans la prise en charge de nos aînés, dont le traitement s'est largement dégradé dans les dernières années.

Ensuite, Mediflash aide les établissements à assurer la continuité des services de soin, à améliorer les conditions de travail et à soulager les équipes. Nous les mettons en contact avec des soignants qualifiés pour des besoins de renfort. Nous vérifions les qualifications et les diplômes de chacun des soignants et nous nous occupons des tâches administratives. Les établissements qui utilisent notre plateforme nous font souvent part du sérieux et de la qualité des soignants indépendants qui travaillent chez eux grâce à Mediflash. Ainsi, nous avons réussi à construire un modèle équilibré au sein duquel tout le monde s'y retrouve.

Bien sûr, nous sommes conscients du caractère moins protecteur du statut d'autoentrepreneur mais les avantages pour les soignants sont bien réels. Nous leur permettons de reprendre en main leur vie professionnelle, de continuer à se former et de redonner du sens à leur métier. Concrètement, les soignants autoentrepreneurs sont affiliés au régime général de l'assurance santé et cotisent pour la retraite en payant leurs cotisations sociales à l'Urssaf tous les mois ou tous les trimestres. Ils sont systématiquement couverts par une assurance responsabilité civile professionnelle.

Nous sommes totalement transparents et nous expliquons au soignant ses droits et devoirs en tant qu'autoentrepreneur. L'objectif consiste ainsi à redonner du sens au métier et à réduire le nombre de départs du monde de la santé. Nous ne détruisons pas d'emplois dans les métiers du soin ; au contraire, nous créons des contrats à durée indéterminée (CDI).

Bien sûr, tous les soignants n'ont pas vocation à travailler sous le statut d'indépendant. Un soignant reste en moyenne quatre mois et demi sur notre plateforme. De fait, il n'y a pas de fuite des soignants vers l'autoentrepreneuriat. Souvent, après avoir été autoentrepreneurs pendant quelques mois, les soignants ont pu découvrir de nouveaux services, ont retrouvé une envie de faire partie d'une équipe et vont signer un CDI dans un établissement découvert sur la plateforme.

Ensuite, 60 % des soignants qui quittent la plateforme Mediflash le font parce qu'ils ont trouvé un poste en CDI ou CDD dans un établissement de santé. Mediflash vient donc en soutien et en relais du modèle classique de l'emploi. Si la plateforme est autant plébiscitée, c'est bien que le modèle apporte une réponse à des besoins précis et non comblés. Il s'agit là d'une nouvelle approche du métier mais en cherchant toujours à fidéliser les soignants dans les métiers du soin.

Notre modèle peut soulever des questions vis-à-vis des pouvoirs publics. Opérer en tant qu'entreprise privée, dans un pan qui relève du service public, et a fortiori de celui de la santé, peut susciter des réticences ou des interrogations. Aujourd'hui, malheureusement, malgré la pertinence de notre modèle à la fois pour les soignants et les établissements de santé, nous rencontrons des résistances importantes de la part des pouvoirs publics.

Par exemple, un courrier signé par les ministères de la Santé et du Travail le 30 décembre 2021, en pleine crise de la covid-19, mettant en doute le modèle des soignants indépendants a été adressé par les agences régionales de santé (ARS) aux établissements de santé. Ensuite, depuis janvier 2023, de nombreux contrôles de l'Urssaf et de la direction régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DREETS) ont été diligentés dans des établissements utilisateurs de Mediflash. On a ainsi dénombré une cinquantaine de contrôles le même jour, avec une centaine d'agents mobilisés.

Ces contrôles ont eu un impact extrêmement fort sur les établissements qui ont pris peur, mais aussi sur des soignants qui se sont retrouvés sans activité du jour au lendemain. Nous avons engagé des discussions avec les pouvoirs publics pour dissiper tous les malentendus et venir en aide aux soignants et aux établissements, mais pour l'instant la situation n'avance pas. Nous pourrons développer ce sujet par la suite si vous le souhaitez.

Mais encore une fois, si Mediflash connaît une telle dynamique, c'est bien qu'elle a un vrai intérêt pour ceux qui l'utilisent et que nous répondons à un besoin qui n'est pas satisfait autrement.

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