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Intervention de Stéphane Bredin

Réunion du mercredi 29 mars 2023 à 17h30
Commission d'enquête chargée de faire la lumière sur les dysfonctionnements au sein de l'administration pénitentiaire et de l'appareil judiciaire ayant conduit à l'assassinat d'un détenu le 2 mars 2022 à la maison centrale d'arles

Stéphane Bredin, ancien directeur de l'administration pénitentiaire :

Je souhaite faire passer une dernière idée, que je vivais de manière abstraite quand j'étais directeur de l'administration pénitentiaire et que je vis de manière concrète maintenant que je suis préfet car je préside tous les quinze jours le GED de l'Indre, qui suit la maison centrale sécuritaire de Saint-Maur.

Il n'y a pas de contradiction entre ce que vous ont dit ma collègue préfète de police des Bouches-du-Rhône, Nicolas Lerner ou Laurent Nuñez, et l'appréciation de l'administration pénitentiaire. Il ne faut pas confondre le niveau de dangerosité pénitentiaire et le niveau de suivi. Le GED détermine un niveau de suivi. Dans l'immense majorité des cas, le niveau de suivi des détenus est inférieur au niveau de suivi en milieu ouvert, tout simplement parce qu'ils sont en prison, à la main de l'administration pénitentiaire. La surveillance est infiniment plus régulière que ce que peut faire la direction générale de sécurité intérieure (DGSI) ou le renseignement territorial (RT) en milieu ouvert, qui suppose des moyens techniques, des filatures, des moyens humains très supérieurs.

Lorsqu'une personne que l'on suivait se retrouve en prison, son niveau de suivi est abaissé quasi automatiquement. Actuellement, Salah Abdeslam n'est pas au niveau de suivi maximum ; il fait l'objet d'une surveillance par caméra dans sa cellule vingt-quatre sur vingt-quatre – à moins que cette mesure ait été supprimée depuis mon départ. Il est donc au niveau de suivi le plus bas. Pourtant, chacun s'accorde à dire que s'il se retrouvait demain en milieu ouvert, il ferait l'objet d'un suivi maximal par les services de renseignement. Il ne faut pas confondre le niveau de dangerosité pénitentiaire et le niveau de suivi par les services de renseignement, tel qu'on le fixe pour les objectifs inscrits au fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT) en GED.

Il est tout à fait logique que Franck Elong Abé ait été inscrit au niveau 3 du FSPRT au GED des Bouches-du-Rhône. C'est le cas de tous les détenus de la maison centrale de Saint-Maur actuellement suivis au titre de la radicalisation, précisément parce qu'ils sont en prison, et alors même que certains d'entre eux ont un profil plus dur que Franck Elong Abé. C'était d'autant plus pertinent pour un détenu comme Franck Elong Abé, qui avait démontré à Arles qu'il était capable de se stabiliser – même si je pense que cela n'a eu aucun impact sur son niveau de suivi FSPRT.

Le niveau de suivi par les services de renseignement, c'est-à-dire le niveau d'actualisation des connaissances sur Franck Elong Abé, était irrégulier, parce qu'il était au QI et que l'on savait en permanence ce qu'il faisait, à qui il parlait ; ses communications étaient écoutées et son courrier, retenu. Quand il parle à la fenêtre du QI, la nuit, on l'écoute. Des sources nous renseignent. Je le répète : il ne faut pas confondre le niveau de suivi et le niveau de risque pénitentiaire. La réponse au niveau de risque pénitentiaire, c'est le régime de détention. L'évaluation qui a été faite de son niveau de risque pénitentiaire a évolué au cours du temps : il est passé du QI au QSI, puis à la détention ordinaire. La fin de l'histoire nous apprend qu'une erreur d'appréciation a vraisemblablement été commise sur l'évolution réelle de son risque pénitentiaire. Il n'en reste pas moins que ces deux notions sont totalement différentes.

À plusieurs reprises, les personnes qui se sont exprimées devant votre commission ont confondu les deux, ce qui ne participe pas à la clarté des débats. La cheffe d'établissement détermine un niveau de risque pénitentiaire et décide, en conséquence, d'un régime de détention. Le fait que le GED et la DGSI considèrent Franck Elong Abé comme faisant partie du haut du spectre parce qu'il est l'un des rares à être allé combattre avec les talibans en Afghanistan en 2012 ne renseigne pas directement sur son niveau de risque pénitentiaire. Je pense que, pour la DGSI, Salah Abdeslam est considéré comme faisant partie du haut du spectre, et pourtant, il ne présente aucun risque en détention. Il n'a jamais tenté un passage à l'acte violent contre un surveillant depuis qu'il a été écroué en 2016. Ce sont deux notions complètement différentes.

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