Intervention de Pieyre-Alexandre Anglade

Réunion du mercredi 29 mars 2023 à 13h35
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPieyre-Alexandre Anglade, président, rapporteur :

Il y a maintenant un peu plus d'un an, le 24 février 2022, le gouvernement russe déclenchait une guerre de grande ampleur et à grande échelle contre l'Ukraine. Depuis cette date, les forces armées russes ont commis en Ukraine toutes formes de crimes de guerre, allant de bombardements de cibles civiles, à des massacres de masse de civils ukrainiens.

Nous avons tous en tête les cas de torture, les viols, la découverte de multiples fosses communes dans les territoires reconquis tels que Izioum, Boutcha, avec des corps laissés à l'abandon dans les rues. Je pense aussi aux bombardements de cibles civiles qui ont été perpétrés, notamment contre la gare de Kramatorsk, ou le théâtre de Marioupol où près de 600 civils ont trouvé la mort. Parmi eux, des enfants. Chacun a aussi en mémoire la destruction de nombreuses villes ukrainiennes : Roubijné, Popasna, Lyman, Sievierodonetsk, Soledar ou encore Bakhmout.

Force est de constater qu'avec une grande lâcheté, l'armée russe, qui connaît de grandes difficultés sur le champ de bataille, s'en prend avec une cruauté indicible à la population ukrainienne. Ce sont des pluies de missiles et de drones meurtriers qui se sont abattus tout l'hiver sur le pays. Rien n'a été épargné : ni les quartiers d'habitation, ni les immeubles résidentiels, ni les écoles, ni les maternités, ni les hôpitaux, selon une stratégie de terreur, conçue, planifiée, organisée par le Kremlin.

Terroriser la population civile pour que l'Ukraine cède aux velléités impérialistes, voilà le projet monstrueux, barbare, inacceptable de Vladimir Poutine. Ses crimes ne sont pas le fruit de dérapage de quelques soldats, ils sont commandités, intentionnels et voilà ce que nous voulons dénoncer aujourd'hui dans les termes les plus clairs : la guerre menée par Vladimir Poutine est une guerre terroriste.

À cette stratégie de terreur s'ajoute l'horreur des transferts, apparemment massifs, de populations vers le territoire russe. Le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés estimait qu'entre le 24 février et le 17 octobre 2022, 2,8 millions de réfugiés ukrainiens avaient été transférés vers la Russie. Si rien n'indique que ces déplacements soient tous involontaires, de nombreux témoignages indiquent qu'une partie d'entre eux l'ont été, en particulier ceux d'enfants, que cette proposition de résolution européenne dénonce. Ce sont déjà plus de 16 000 enfants ukrainiens qui ont été déportés par la Russie. Ce chiffre, déjà massif, est très inférieur à la réalité. Il ne regroupe que les enfants qui ont pu être formellement identifiés. Les autorités ukrainiennes estiment que ce sont plusieurs centaines de milliers d'enfants qui ont été subtilisés à leurs familles. À cela s'ajoute la rééducation à laquelle les enfants ukrainiens enlevés sont soumis. Dans les quelque 43 camps identifiés partout en Russie, ces victimes innocentes de la guerre subissent un véritablement lavage de cerveau, visant à exterminer toute conscience nationale.

Nous serions bien naïfs de croire que ce qui est à l'œuvre en Ukraine est un soubresaut malheureux de la guerre. Tout découle directement de la volonté du président russe : Vladimir Poutine a donné son blanc-seing à cette mécanique génocidaire, en signant le 30 mai 2022 un décret accélérant l'adoption d'enfants ukrainiens réputés orphelins en une journée seulement. Plus grave encore, le décret signé par Vladimir Poutine autorise la modification de l'état civil des enfants déportés pour en faire de parfaits citoyens russes. Derrière ces détails administratifs, se cache une volonté de nier leur identité nationale mais aussi de travestir leur mémoire personnelle pour qu'elle disparaisse.

Face à la barbarie russe qui se déchaîne contre les enfants ukrainiens, la communauté internationale n'est pas restée inerte : le 17 mars 2023, la Cour pénale internationale a émis deux mandats d'arrêts internationaux, l'un à l'encontre de Vladimir Poutine, l'autre à l'encontre de Maria Lvova-Belova, pour le crime de guerre de déportation illégale d'enfants ukrainiens depuis le début de l'invasion russe, fin février 2022.

Voyons les choses telles qu'elles sont : la déportation d'enfants ukrainiens vers la Russie s'inscrit dans une logique génocidaire, comme il est défini aux termes de l'article 2 de la Convention des Nations unies du 9 décembre 1948 pour la prévention et la répression du crime de génocide, ainsi que dans l'article 6 du Statut de Rome de la Cour pénale internationale, qui qualifie de génocide le transfert forcé d'enfants d'un groupe à un autre groupe, « commis dans l'intention de détruire, ou tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux ».

Tout, dans nos valeurs européennes, fondées sur les droits de l'homme et notamment ceux de l'enfant, rejette les exactions de Vladimir Poutine. Avec cette proposition de résolution, je propose que nous soutenions les efforts faits pour retrouver ces enfants et à les rapprocher de leurs familles. Avec cette proposition de résolution européenne, je vous propose également que nous alertions les autorités européennes pour qu'elles sanctionnent les coupables de ces déportations, et mettre en échec ce projet.

Les valeurs européennes, fondées sur les droits de l'homme et notamment ceux de l'enfant, nous engagent aujourd'hui à dénoncer cela dans les termes les plus clairs. Avec cette résolution, je souhaite que nous condamnions formellement, et avec la plus grande force, les transferts d'enfants ukrainiens perpétrés par la Fédération de Russie, et que soient mis en œuvre tous les moyens humains et matériels requis pour venir en aide à ces enfants. Voilà ce que nous demandons avec clarté dans ce texte aujourd'hui.

Il viendra immanquablement ce jour où les responsables de ces crimes et leurs complices devront rendre des comptes devant la justice internationale. Devant l'horreur de ce conflit, qui n'hésite pas à faire planer sur le monde entier des menaces nucléaires, économiques, de famine, et qui systématiquement utilise la terreur contre les civils et contre les plus vulnérables. J'ai la conviction que nous devons, de concert avec la communauté internationale, travailler afin que la justice soit rendue vite, haut et fort, conformément aux valeurs universelles dont notre pays est le flambeau, et que porte aussi l'Union européenne. Nous le devons à l'Ukraine, aux Ukrainiens et à leurs enfants.

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