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Intervention de Charles Fournier

Réunion du mercredi 29 mars 2023 à 9h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCharles Fournier, rapporteur :

Cette proposition porte sur un sujet que je connais bien. Je suis né en Sologne et j'ai grandi dans la commune de Salbris, que l'on peut considérer comme la capitale de la chasse. Je ne corresponds donc pas à la caricature de l'écologiste citadin qui figure dans l'exposé sommaire de certains amendements. J'ai également été vice-président d'une région, chargé du développement rural. J'ai donc pu discuter de manière régulière avec des non-chasseurs et des chasseurs.

Pour préparer ce texte, j'ai auditionné un certain nombre d'acteurs. Je regrette que la Fédération nationale des chasseurs (FNC) n'ait pas répondu favorablement à mes multiples propositions de dates, ni même à la demande de contribution écrite. Cela ne m'a pas empêché de débattre avec des chasseurs à un niveau différent. J'ai aussi recueilli l'avis d'acteurs institutionnels et associatifs.

Cette proposition n'est pas révolutionnaire et elle peut favoriser un débat posé. Les textes prévoient déjà la possibilité d'instaurer des jours sans chasse, mais ils ne sont malheureusement pas utilisés. La proposition de loi prévoit simplement de le faire sur tout le territoire français en instaurant un jour sans chasse – en l'occurrence le dimanche – pour des raisons de sécurité.

Le plan récemment annoncé par le Gouvernement pour mieux sécuriser la pratique de la chasse prouve bien qu'il existe un enjeu en la matière. Le nombre des accidents de chasse a certes diminué depuis vingt ans. Mais, si l'on y regarde de plus près, la part des non-chasseurs dans les victimes a augmenté de 14 % durant la même période. Les dernières saisons ont été marquées par une recrudescence du nombre d'accidents, et tout particulièrement de ceux qui impliquent des non-chasseurs. Certains diront donc qu'il y a peu d'accidents et qu'ils sont de moins en moins nombreux. C'est vrai, mais chaque mort est insupportable et l'on pourrait discuter du terme même d'« accident ».

Interdire la chasse le dimanche, c'est permettre l'accès sûr et tranquille de tous à la nature et c'est ne plus faire supporter aux non-chasseurs la charge de la sécurité. Or tel est bien le cas actuellement, puisque le plan du Gouvernement prévoit, par exemple, une application numérique pour que chacun fasse attention. Alors que nombre de nos concitoyens viennent s'installer en milieu rural pour être proche de la nature, proposer un jour sans chasse par semaine – alors que la saison de la chasse peut s'étendre sur dix mois – est une mesure de compromis et d'équilibre.

Il importe de souligner qu'il existe une inégalité entre les « loisirs ». Si nombre d'entre eux, en effet, peuvent entraîner des morts et des blessés, dans la plupart des cas seuls leurs pratiquants sont les victimes. La chasse, quant à elle, met également en danger les tiers, une balle pouvant porter jusqu'à 3 kilomètres et donc dépasser les limites des propriétés privées.

Rappelons-le, des jours sans chasse, dont des dimanches, sont déjà prévus dans une toute petite partie des forêts publiques, qui représentent 25 % de l'ensemble des forêts, et dans 40 % des forêts domaniales. Cette mesure n'a pas eu d'incidence sur la surpopulation animale dans ces zones.

Par ailleurs, un ou plusieurs jours sans chasse sont prévus dans la plupart des États européens. La France fait exception tant en raison du nombre des espèces chassées que de la longueur des périodes de chasse – au cours desquelles on chasse tous les jours.

Il s'agit donc de trouver un compromis acceptable. Celui-ci est attendu par une large partie de la population. Tous les sondages d'opinion concordent sur ce point et témoignent d'une augmentation du soutien au dimanche sans chasse. Ce sont d'ailleurs surtout les ruraux qui sont en faveur de cette mesure. Il faut en effet prendre un peu de distance avec l'image qui associe la chasse aux territoires ruraux. Le profil sociologique des chasseurs montre que beaucoup d'entre eux sont des citadins. En outre, la ruralité n'est pas un sanctuaire. Elle se transforme et les traditions évoluent. Il est par exemple heureux que celle du duel à l'épée se soit éteinte – le dernier ayant opposé Gaston Defferre à René Ribière en 1967…

Ma proposition vise à faire évoluer une tradition, pas à l'interdire. Je ne suis pas pour l'interdiction de la chasse. Il faut réguler les populations animales, mais n'oublions pas que 25 % des animaux chassés proviennent d'élevages. Si la chasse était le seul moyen de procéder à la régulation, nous ne connaîtrions pas la situation actuelle de surpopulation de sangliers et de cervidés. La régulation peut être effectuée par d'autres moyens, même si je ne suis pas opposé à ce que la chasse y participe. On peut d'ailleurs organiser des battues administratives lorsque c'est nécessaire. La surpopulation résulte aussi de la déstructuration de la chaîne alimentaire, de l'élevage, de l'agrainage et de l'introduction d'espèces. Nous sommes particulièrement confrontés au problème en Sologne. Nul n'ignore que la régulation sert d'alibi pour justifier une augmentation constante de la pratique de la chasse.

Enfin, le nombre des accidents diminue, mais celui des chasseurs aussi. Il faut donc tenir compte des proportions.

Je souhaite que notre débat soit constructif. J'ai lu l'ensemble des amendements et, sans surprise, beaucoup d'entre eux proposent de supprimer l'article unique de la proposition. Dont acte. Discutons-en, ainsi que des meilleurs moyens d'assurer la sécurité. Si cette dernière ne posait pas de problèmes, il n'y aurait ni proposition de loi, ni d'ailleurs d'amendements en faveur d'une meilleure sécurité.

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