Intervention de Sandrine Rousseau

Réunion du mercredi 29 mars 2023 à 9h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSandrine Rousseau, rapporteure :

J'ai l'honneur de vous présenter la proposition de loi visant à mieux indemniser les dégâts sur les biens immobiliers causés par le retrait‑gonflement de l'argile (RGA), qui sera discutée en séance le 6 avril prochain lors de la niche écologiste.

Ce texte répond à un phénomène déjà massif et d'une ampleur croissante. Le phénomène de retrait-gonflement de l'argile se caractérise par des mouvements alternatifs des sols argileux selon la variation de la teneur en eaux des sols : tantôt les argiles se rétractent et se fracturent en cas de sécheresse, tantôt elles se gonflent sous l'effet de l'accumulation en eau en cas de forte pluviométrie. Il en résulte une variation des sols de l'ordre de plus ou moins 10 %, provoquant d'importantes fissures sur les bâtiments.

Le rapport d'évaluation de la prise en compte du retrait-gonflement de l'argile, que j'ai rédigé avec Sandra Marsaud, dresse un état des lieux alarmant. En 2022, le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema) indiquait que près de 50 % des sols du pays sont concernés par des retraits et des gonflements d'intensité moyenne et forte ; 10 millions de maisons individuelles sont très exposées, dont 3,5 millions situées en zone rouge. Dans 75 % des communes françaises, c'est plus de la moitié des habitations qui sont concernées.

Les dégâts pour les personnes victimes de ces sinistres sont matériels mais aussi psychologiques et beaucoup de propriétaires sont totalement démunis face à ce phénomène. Les lacunes du droit positif, s'agissant tant de la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, préalable indispensable, que de l'indemnisation elle-même – concrètement, pas plus de la moitié des victimes sont indemnisées – conduisent le législateur à agir.

L'article 1er vise à graver dans le marbre de la loi une méthodologie adaptée à la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle de sécheresse. Celle-ci doit se fonder sur un critère de variation de l'humidité des sols mesurée sur le terrain.

Il diminue également sensiblement la « période de retour ». Aujourd'hui, pour que la sécheresse soit caractérisée, l'indicateur d'humidité des sols doit être l'un des deux plus bas sur les cinquante dernières années, soit une période de retour de vingt-cinq ans. Nous proposons de la ramener à cinq ans : la sécheresse sera caractérisée dès lors que l'indicateur sera l'un des dix plus bas des cinquante dernières années.

Enfin, l'article 1er dispose que l'arrêté de catastrophe naturelle pris en cas de sécheresse ne peut avoir une durée inférieure à douze mois. C'est important, car les fissures découlant du RGA peuvent se manifester bien après la période de sécheresse elle-même. Ces évolutions permettront aux victimes d'être mieux indemnisées.

Le texte vise ensuite à instaurer un rapport de force favorable aux assurés en inversant la charge de la preuve du lien entre dommage et RGA. La reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle n'est qu'une première étape. En effet, une fois cet état reconnu, les assureurs engagent des experts parfois peu scrupuleux pour démontrer que le dommage constaté n'est en réalité par lié au phénomène de RGA. La proposition de loi instaure ainsi une présomption de causalité entre le dommage constaté et le RGA. L'assureur peut toujours faire appel à un expert, mais qui devra cette fois prouver l'absence de lien entre RGA et dommage. Afin de s'assurer que l'analyse de l'expert est complète, le texte lui impose de réaliser une étude de sols de type G5.

J'ai par ailleurs déposé un amendement qui vise à protéger encore davantage les assurés, en créant deux labels, l'un destiné aux experts, l'autre aux entreprises chargées des travaux de remise en état du bâti ayant subi des dommages liés au RGA. Ces labels seront la garantie que ces entreprises et ces experts ont suivi une formation spécifique sur le RGA. C'est une demande des associations de sinistrés.

J'ai également déposé des amendements à la suite des auditions que nous avons réalisées. Le premier a pour objectif d'assurer une meilleure information des assurés et des communes en cas de refus de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle. Trop d'associations de victimes nous ont fait part de leur désarroi face au silence de la puissance publique dans cette situation. Le deuxième amendement revient sur l'une des dispositions de l'ordonnance du 8 février 2023, qui limite l'utilisation de l'indemnité reçue par l'assuré à la réparation du bâti ayant subi des dommages. Étant donné l'état désastreux dans lequel se trouvent certains de ces bâtiments, il nous paraît souhaitable de permettre aux victimes d'utiliser cette indemnité pour se faire construire un nouveau domicile si cela est nécessaire.

Au-delà de ce texte, il sera nécessaire de penser la prévention, qui n'a pu être incluse dans le texte car cela aurait été irrecevable au titre de l'article 40. Les populations sont trop peu informées et il n'y a pas suffisamment de recherches pour prévenir le phénomène de RGA. Compte tenu du réchauffement climatique et du nombre d'habitations susceptibles d'être touchées, le renforcement de la prévention est un enjeu majeur.

Le phénomène de RGA touche des millions de nos concitoyens qui sont démunis face à la fois à une procédure complexe et peu transparente et à des assureurs prêts à tout pour ne pas les indemniser. Voter cette proposition de loi, c'est leur montrer que leurs représentants ont entendu leur appel de détresse. C'est aussi protéger les populations contre le risque que fait courir le réchauffement climatique, dans la perspective d'une France à + 4 degrés.

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