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Intervention de Bruno Le Maire

Réunion du mardi 28 mars 2023 à 17h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Bruno Le Maire, ministre :

Monsieur Cabrolier, nous avons en effet ajouté les montants des subventions européennes au titre du programme REPowerEU, pour 2 milliards d'euros, et un ajustement au PNB réel a été effectué, comme il était convenu depuis le départ dans le cadre du plan de relance européen. La réforme des retraites, voulue par la France, ne faisait pas partie, je le rappelle, des jalons du PNRR.

Monsieur Labaronne, votre question rejoint bon nombre de celles qui m'ont été posées à propos de l'industrie. D'abord, il n'y a pas d'industrie sans capital, et la désindustrialisation massive de la France s'explique par l'alourdissement systématique de la fiscalité du capital. J'entends soupirer du côté des députés La France insoumise, mais tous ceux qui ont refusé une baisse des impôts de production et des impôts sur les bénéfices des sociétés et sur le capital ont, somme toute, participé à la décapitalisation de l'industrie, et donc aux délocalisations industrielles. Les entreprises choisissent le lieu où la rentabilité de leur investissement industriel sera la plus forte. Que ce soit dans l'aéronautique, dans l'automobile, dans la chimie ou dans la santé, ces entreprises ont besoin d'investissements capitalistiques très lourds.

La première étape de la reconquête industrielle est donc la réforme fiscale de 2017. Il y a là un vrai débat démocratique, mais tous ceux qui reviendront sur cette réforme le paieront très cher en termes de destructions d'emplois et de fermetures d'usines. C'est un point clé de notre politique.

Cela ne suffit pas pour autant, et il faut évidemment prendre des mesures pour renforcer notre appareil de production. D'abord, il faut continuer à innover et à investir, car ce qui fait le succès d'une filière industrielle, c'est sa capacité à renouveler ses produits et à proposer à chaque fois des produits de meilleure qualité – c'est ce que fait, par exemple, l'agroalimentaire en développant de l'alimentation animale avec de nouveaux types de protéines, de la viande à partir de protéines végétales ou diverses productions à partir d'insectes ou d'autres produits innovants.

En France, le soutien à la recherche publique représente 27 % du montant de la recherche et du développement des entreprises privées, ce qui en fait le deuxième montant le plus élevé de tous les pays de l'OCDE, grâce notamment au crédit impôt recherche.

On peut aussi jouer sur la commande publique ou sur la formation et les qualifications. On peut également développer les crédits d'impôts, en plus des subventions, sur le modèle de l'IRA, et, enfin, simplifier les installations d'usines. Ce sont toutes ces portes d'entrée que nous voulons développer dans le cadre de la loi « industrie verte ».

Monsieur Di Filippo, je partage votre analyse selon laquelle nous sommes à un moment de vérité. Les taux d'intérêt sont passés de 0 % à 2,85 % ou 2,90 %, soit près de 3 %, à dix ans, et la charge de la dette de 30 à 41 milliards d'euros de 2021 à 2022. C'est un moment de vérité, car chacun doit se demander où il veut mettre l'argent des Français. Pour ma part, je n'ai aucune envie de le mettre dans la charge de la dette.

Réduire la dette, c'est s'assurer que nous aurons une charge moins élevée et des taux d'intérêt plus faibles, ce qui évitera de gaspiller de l'argent public dans cette charge de la dette. Je préfère que ces milliards d'euros soient plutôt consacrés aux services publics ou à des dépenses sociales utiles, ce qui suppose de réduire la part de la dette dans la richesse nationale. C'est en cela que nous sommes à un moment de vérité : il n'est pas vrai qu'il ne serait pas grave de ne pas atteindre l'équilibre des retraites en 2030. C'est grave, car cela se paye. Ni l'argent, ni la dette, ni le déséquilibre des finances publiques ne sont gratuits. Cela a un coût, que l'on peut vouloir assumer, mais qui devient prohibitif pour nos compatriotes et ne mène nulle part.

Monsieur Chassaigne, l'écart compensatoire bidirectionnel fait partie de cet insupportable sabir bruxellois, que je supporte aussi peu que vous. J'aime que les choses soient exprimées clairement car, comme le disait M. Boileau, « Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement / Et les mots pour le dire arrivent aisément ». La notion désigne tout simplement l'écart, dans le marché de l'énergie, entre le prix du marché et un prix de référence, l'idée étant – et c'est que nous avons appliqué avec la contribution inframarginale – que, lorsque le prix de marché est très au-dessus du prix de référence, l'État récupère la mise. L'application de ce principe nous rapporte plusieurs milliards d'euros. En revanche, lorsque le prix est très inférieur au prix de marché, ce qui met les producteurs tels qu'EDF en grande difficulté, l'État compense la perte. Il est plus simple de l'exprimer ainsi que de parler d'écart compensatoire bidirectionnel.

Monsieur de Courson, nous sommes favorables à l'harmonisation, non seulement du taux, mais aussi de la base et de l'assiette de l'IS. Les débats ont été très compliqués et nous n'y sommes pas parvenus, mais il serait sage de réaliser cette harmonisation. Quant au taux de prélèvements obligatoires, il a en effet augmenté, parce que les recettes ont été dynamiques et la croissance plus forte que prévu. Une règle qui vient d'être vérifiée veut qu'une baisse du taux des impôts puisse augmenter les recettes grâce au dynamisme de la croissance. Les recettes de l'impôt sur les sociétés ont ainsi augmenté alors même que le taux avait baissé de huit points, passant de 33,3 % à 25 %, car cette baisse a accru le dynamisme des entreprises, et donc les recettes globales.

Madame Klinkert, j'ai visité avec vous l'entreprise Liebherr, et suis favorable à ce que cette magnifique entreprise bénéficie du fonds de souveraineté.

Madame Louwagie, le montant du rendement de la taxe sur les producteurs et sur le raffinage est de 400 millions d'euros. Je précise qu'il s'agit d'une taxe directe sur la production d'énergie fossile, très limitée en France, et non pas de la contribution sur la rente inframarginale, qui prélève la rente des énergéticiens et rapporte plusieurs milliards d'euros.

Monsieur Roseren, vous avez posé une question essentielle à propos de la date de 2035. Je suis très opposé à ce que nous remettions en cause l'engagement de mettre fin aux ventes de véhicules thermiques en 2035.

D'abord, parce que nous allons connaître un vrai conflit d'usage quant à l'utilisation de ces carburants de synthèse, qui sont coûteux à la production comme à l'achat. Certains moyens de transport, comme le bateau ou l'avion, ne peuvent pas être électrifiés ou ne peuvent l'être que très partiellement, car les batteries sont trop lourdes et leur utilisation n'est pas rentable. Mieux vaut donc leur réserver l'utilisation de ces carburants de synthèse. Les employer pour un véhicule de transport individuel n'a pas de sens.

Ensuite, parce que nous serons beaucoup plus efficaces pour rattraper notre retard par rapport à la Chine en accélérant les investissements dans le véhicule électrique. Luca de Meo et Carlos Tavares nous disent à quel point le dynamisme de la recherche et des investissements en matière de batteries électriques, d'anode, de cathode, de chaîne de traction et d'incorporation des batteries sur le plancher des véhicules nous permettent de rattraper ce retard. Toutefois, nous ne le pourrons qu'en investissant massivement, avec une politique claire et sans faire des zigzags. Je suis donc favorable à ce que nous maintenions notre objectif de développement des véhicules électriques et la date de 2035, et à ce que nous concentrions nos investissements publics et privés sur ces véhicules.

Monsieur Laqhila, je suis, je le répète, très favorable à l'harmonisation fiscale, dans laquelle l'IS est une première étape.

Je répondrai aux courriers de M. Larrouturou et du ministre des finances autrichien. Je rappelle cependant que la France, à la différence d'autres États européens, a instauré une taxe sur les transactions financières qui rapporte 1,5 milliard d'euros. Je suis favorable à la coopération renforcée sur cette question.

Madame Jamet, je tiens à vous rassurer : nous livrons tous les jours le combat pour le nucléaire en Europe et j'ai constamment défendu la production nucléaire française. Nous avons établi une alliance nucléaire et obtenu que le nucléaire soit maintenu dans la taxonomie européenne, dont il devait être exclu. Le nucléaire figure donc bien dans la redéfinition du nouveau marché européen de l'énergie.

Monsieur Masséglia, je vous répondrai dans un autre format à propos de la souveraineté culturelle, question qui nous emmènerait trop loin.

Monsieur Guiraud, les règles du nouveau pacte de stabilité ne sont pas des règles austéritaires, mais des règles tout court. Je suis, par ailleurs, très favorable à ce que nous procédions à une revue des aides aux entreprises afin de nous assurer qu'elles sont efficaces et vont réellement aux entreprises qui produisent et qui développent l'activité sur notre territoire. Je n'ai jamais fermé la porte à l'idée d'un examen attentif des aides et crédits d'impôts aux entreprises, notamment les crédits d'impôts bruns.

Madame Thillaye, je suis, je le répète, favorable à l'harmonisation.

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