Monsieur Holroyd, nous avons trouvé un accord lors de la dernière réunion des ministres des finances de la zone euro, même si l'Allemagne a fait valoir, à la dernière minute, des arguments sur la trajectoire et les calculs définissant les cibles. Mais il y a un accord, c'est l'essentiel. L'objectif est de conclure les négociations à la fin 2023, sous présidence espagnole, et d'appliquer les nouvelles règles du pacte de stabilité et de croissance en 2025, après une période de transition en 2024. C'est d'autant plus important que la clause de suspension court jusqu'à la fin 2023 ; ensuite, les anciennes règles s'appliquent, et je crois avoir montré à quel point elles étaient dépassées.
En ce qui concerne la directive Atad 3, nous sommes très favorables à ce projet de directive « unshell » qui vise à lutter contre le recours aux sociétés écrans. Les discussions sont en cours pour arriver à un compromis opérationnel.
Monsieur François, vous parlez de souveraineté budgétaire à géométrie variable. Il n'y a pas de souveraineté budgétaire dans une zone monétaire commune s'il n'y a pas de règles communes ! Nous ne sommes pas seuls, et ces règles communes nous renforcent en période de crise. Ce n'est pas un choix unilatéral d'un gouvernement ou de quelque président de la République que ce soit : c'est un choix qui a été validé par le peuple français, souverainement. Vous pouvez regretter le résultat de ce référendum, mais il a eu lieu.
La souveraineté budgétaire est d'autant plus forte que la monnaie commune est forte. Dans la période du covid, nous avons été bien contents de lever 650 milliards d'euros de dette commune pour financer les mesures contre le chômage, contre la perte de compétence, contre les risques de faillite.
Vous nous accusez de ne pas être des Mozart de la finance. Je reprends les propositions de votre présidente Marine Le Pen : pour le rachat des concessions autoroutières, il en coûterait 40 à 50 milliards ; pour la baisse de la TVA sur l'essence, 10 milliards ; pour la baisse de la TVA sur les produits alimentaires, 7 milliards ; pour la retraite à 60 ans, plusieurs dizaines, voire plusieurs centaines de milliards sur plusieurs décennies. Au total, ce sont des dizaines de milliards de dépenses publiques, donc de dette, que vous accumuleriez. Vous jouez de la grosse caisse sur les dépenses publiques et de la flûte traversière sur la baisse des dépenses : c'est un peu surprenant pour quelqu'un qui aime tant la musique.
Madame Chikirou, l'inflation n'est certainement pas la solution. Mon premier objectif de l'année 2023, c'est de la faire diminuer. Chacun sait qu'elle pénalise d'abord les plus modestes, ceux qui sont à quelques euros près à la fin du mois, ceux qui doivent nourrir des familles nombreuses, car elle touche les produits de première nécessité. Elle pénalise aussi ceux qui dépensent une part trop importante de leurs revenus pour se loger. C'est un impôt sur les plus pauvres. Lutter contre l'inflation est donc une priorité absolue.
De plus, lorsqu'elle est forte, les banques centrales aux États-Unis comme en Europe augmentent leurs taux directeurs, ce qui renchérit le coût des emprunts et rend plus difficile l'accès au logement.
L'austérité n'est pas davantage une solution, et nous ne la proposons pas.
Madame Dalloz, oui, nous estimons que la bonne solution, c'est la maîtrise des dépenses. C'est toute la qualité du débat démocratique : nous sommes à un moment de vérité économique et financier.
La France doit-elle produire plus ou moins ? J'ai la conviction que nous devons augmenter notre production industrielle décarbonée, notre production agricole, afin d'obtenir des niveaux de rémunération et de qualification plus élevés. Nous devons rétablir notre balance commerciale extérieure, structurellement déficitaire depuis 2000. Nous devons produire plus d'énergie décarbonée grâce aux renouvelables et au nucléaire. Pour certains, la France doit produire moins et la décroissance est la solution. Je suis résolument dans le camp de ceux qui pensent que la France doit produire plus, redevenir une grande nation industrielle et agricole et une grande nation de production énergétique.
Nous sommes aussi à un moment de vérité financier. Devons-nous continuer à dépenser toujours plus et à accroître la dette, ou bien réduire la part de la dépense publique dans la production ? Ma conviction, là aussi, est claire : je crois que notre dépense publique doit progresser moins vite que la production et que la richesse nationale. C'est la seule façon de maîtriser nos dépenses, d'éviter un emballement et une augmentation des taux d'intérêt, et d'éviter de laisser une charge de la dette insupportable à nos enfants et à nos petits-enfants.
Cela ne veut pas dire pour autant que nous devons tailler à la hache dans les dépenses publiques. Notre règle d'or, la voici : dépenser moins que nous ne produisons. L'augmentation de la dépense doit être moins forte que celle de la production nationale. Ceux qui me reprochent de ne pas aller assez loin dans la baisse de la dépense sont les mêmes qui déposent des amendements pour augmenter les budgets des hôpitaux, des crèches, des écoles, de la police, de la gendarmerie, des armées. Si vous êtes capables de me montrer dans quelles dizaines de milliards d'euros je pourrais trancher, je prends date – mais j'ai la conviction que personne ici ne me prendra au mot. Ce serait simplement déraisonnable ! Et je parle bien d'économies, pas d'augmentations d'impôt dans un pays qui a déjà le taux de prélèvements obligatoires le plus élevé des pays développés. Je connais l'imagination débridée de La France insoumise en matière de taxes. Ce n'est pas notre politique ; mais la dissonance, pour reprendre une image musicale, fait toute la beauté de notre débat démocratique.
Notre politique a le mérite de la clarté : nous voulons une France qui produit davantage de richesses qu'elle n'en dépense.
Madame Ferrari, il serait impossible de trouver un accord sur une nouvelle faculté d'endettement commun. Je ne suis pas sûr non plus que ce soit dans notre intérêt national : nos taux sont relativement bas par rapport à ceux des autres pays de la zone euro, et une capacité commune risquerait de nous amener à payer plus cher. En revanche, je vous rejoins sur le fait qu'il est essentiel d'améliorer la productivité, comme sur l'accélération de l'union bancaire, qui est indispensable, même si nous nous heurtons à des difficultés techniques.
Madame Karamanli, vous avez entièrement raison sur l'intelligibilité des règles. L'abandon de la règle du vingtième me paraît de bonne politique, comme le fait que la croissance potentielle ne revienne pas au rang des critères décisifs. Tout ce qui nous permettra de gagner en intelligibilité ira dans le bon sens.
Madame Gérard, merci pour vos remarques sur les résultats obtenus en 2022 : le déficit, à 4,7 %, se situe très en dessous des 5 % prévus. C'est tout juste encourageant, et certainement pas suffisant ! Ce chiffre prouve que nous avons fait attention, que nous savons où nous allons, mais aussi que nous ne sommes pas encore là où nous voulons être en 2027. Je le dis avec modestie et humilité, il serait déplacé de crier victoire alors qu'il nous reste un travail considérable à mener pour rétablir les grands équilibres de nos finances publiques.
Je connais l'immense scepticisme qui entoure toute annonce du ministre des finances lorsqu'il affirme que nous réduirons les dépenses publiques à compter du projet de loi de finances pour 2024. J'entends ce même scepticisme quand je dis que nous sommes sortis du « quoi qu'il en coûte ». Mais c'est bien la réalité, et à ce grand scepticisme je veux opposer ma grande détermination. Nous sommes sortis du quoi qu'il en coûte, puisque nous sommes passés de mesures générales à des mesures ciblées : nous avons fixé à 15 % l'augmentation des factures de gaz et d'électricité des ménages et renoncé à une remise générale sur les carburants. Nous devons poursuivre dans cette voie, et dans le cadre de la préparation du PLF 2024, nous avons engagé une revue des dépenses publiques. Nous tiendrons, avant l'été, des assises des finances publiques, et j'invite tous les parlementaires, toutes couleurs politiques confondues, à y participer. Nous ne serons peut-être pas d'accord sur les objectifs, mais discuter des meilleures économies à faire sera utile. Notre objectif est d'afficher, dès 2024, plusieurs milliards d'euros d'économies sur les dépenses publiques.
Madame Arrighi, je redis que nous ne menons pas une politique d'austérité. Nos dépenses sont ciblées, et nous favorisons la croissance, l'augmentation de la production.
S'agissant de la mise sous condition des aides aux entreprises, vous connaissez notre politique. Nous pourrions, je crois, nous retrouver pour estimer que l'essentiel est de diminuer les dépenses fiscales brunes. Il serait incohérent d'investir dans une économie décarbonée ou semi-décarbonée et dans l'industrie verte tout en conservant des dispositifs fiscaux favorables aux énergies fossiles. J'aurai besoin du soutien de tout le monde lorsqu'il s'agira de tailler dans ces dépenses fiscales brunes : sur le papier, tout le monde trouve cela formidable, mais quand il s'agit de l'expliquer à une entreprise de travaux publics à qui ces mesures peuvent poser des problèmes considérables, c'est plus difficile ! Je suis donc tout à fait prêt à engager le débat avec vous sur ce sujet.
Quant à la réponse à l'IRA, je voudrais tordre le cou à une fausse vérité : les montants que l'Union européenne consacre aux subventions et aux soutiens publics à son industrie verte sont comparables à ceux de l'administration américaine. Nous devons gagner en simplicité et en rapidité d'exécution sur l'attribution de ces aides et sur le déploiement des projets d'intérêt collectif européens. Le projet sur l'hydrogène remonte à plus de deux ans ! Il a fallu deux années pour valider les entreprises qui pourraient bénéficier des aides européennes et leur attribuer une aide financière, qu'elles toucheront donc au bout de presque trois ans. Aux États-Unis, c'est un crédit d'impôt que vous touchez en quelques jours ! Nous avons donc un problème décisif de rapidité d'exécution.
Enfin, cette réponse européenne doit se conjuguer avec une réponse française : ce sera le projet de loi « industrie verte », dont je vous présenterai les grandes lignes dans quelques jours.
Madame Lebon, je suis favorable à la différenciation sur les territoires périphériques. Nous n'oublions personne, et certainement pas ces territoires.
Monsieur Castellani, toutes les mesures que nous avons prises à propos de la fiscalité minimale et de la fiscalité digitale, ainsi que pour le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières, doivent permettre de lutter contre le dumping social et fiscal, auquel je suis vigoureusement opposé.