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Intervention de Benoît Cœuré

Réunion du jeudi 23 mars 2023 à 14h45
Commission d'enquête relative aux révélations des uber files : l'ubérisation, son lobbying et ses conséquences

Benoît Cœuré, président de l'Autorité de la concurrence :

Le droit de la concurrence est assez limitatif, en ce qu'il sanctionne deux types de pratiques : l'entente et l'abus de position dominante. Il y a, certes, de très nombreuses manières de s'entendre et d'abuser d'une position dominante, mais ce sont là les deux grandes catégories de pratiques anticoncurrentielles.

En l'espèce, et bien que le cas puisse se produire sur ce marché comme sur un autre, il n'était pas question d'entente. Quant à l'abus de position dominante, il suppose une position dominante, ce qui n'était absolument pas le cas d'Uber, qui était alors un acteur entrant sur le marché.

J'ai déjà rappelé que l'Autorité de la concurrence a toujours distingué deux marchés : celui de la maraude, sur lequel les taxis sont en situation de monopole, et celui de la réservation, qui est celui où Uber intervient. Il ne fait pour moi aucun doute qu'à l'époque, Uber n'était pas en position dominante, et j'ignore si elle le serait aujourd'hui. Étant donné que nous n'avons pas d'affaires en cours, il faudrait, pour le savoir, que nous examinions la situation dans le détail, en tenant compte de la part de marché d'Uber par rapport à celles des autres acteurs, qu'il s'agisse des autres grands groupes de taxis ou d'autres plateformes certes plus petites, mais dont la part de marché n'est pas insignifiante pour autant.

Il n'y a pas de définition scientifique de la position dominante. Pour la qualifier, on peut prendre en compte, entre autres critères, le comportement des entreprises et la nature du marché. On peut commencer par regarder si l'entreprise détient plus de 50 % du marché. Dans la mesure où on ne pouvait pas, à l'époque, mettre en cause Uber sur le terrain de la concurrence, la DGCCRF devait recourir à ses propres outils en relevant des pratiques commerciales dommageables.

Le droit de la concurrence sanctionne le « prix prédateur ». Cette pratique consiste, pour une entreprise en position dominante, à utiliser sa rente pour fixer artificiellement un prix bas afin d'entrer sur un marché ou d'écarter ses concurrents. Selon la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, le prix pratiqué doit être inférieur au coût moyen variable. À l'époque, ces critères n'étaient pas remplis, et nous n'avons pas eu l'occasion de réexaminer le dossier.

On pourrait également se fonder sur l'article L. 420-5 du code de commerce, qui vise les prix abusivement bas, mais il n'existe aucune jurisprudence en la matière car il n'a encore jamais été utilisé.

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