Nous avons l'honneur d'accueillir cet après-midi M. Benoît Coeuré, président de l'Autorité de la concurrence.
À partir du 10 juillet 2022, plusieurs membres du consortium international des journalistes d'investigation (ICIJ) ont publié ce qu'il est désormais convenu d'appeler les Uber files : s'appuyant sur 124 000 documents internes à l'entreprise américaine datés de 2013 à 2017, cette enquête a dénoncé un lobbying agressif de la société Uber pour implanter en France, comme dans de nombreux pays, des véhicules de transport avec chauffeur (VTC) venant concurrencer le secteur traditionnel du transport public particulier de personnes, réservé jusqu'alors en grande partie aux taxis.
Dans ce contexte, notre commission d'enquête a deux objets. Il s'agit, d'une part, d'identifier l'ensemble des actions de lobbying menées par Uber pour pouvoir s'implanter en France ainsi que le rôle des décideurs publics de l'époque, et d'émettre des recommandations sur l'encadrement des relations entre décideurs publics et représentants d'intérêts. Il s'agit, d'autre part, d'évaluer les conséquences économiques, sociales et environnementales du développement du modèle Uber en France et les réponses apportées et à apporter par les décideurs publics en la matière.
Dans le cadre des révélations des filesUber files, il est apparu que la société Uber avait commencé son action de lobbying en France à partir de 2013 pour convaincre les décideurs publics de modifier les règles en vigueur dans le secteur du transport public particulier de personnes afin de faciliter l'activité des VTC et de remettre en cause le monopole réglementaire des taxis pour diversifier l'offre au service des consommateurs.
Le Conseil de la concurrence, puis l'Autorité de la concurrence, ont rendu pas moins onze avis au Gouvernement sur le fonctionnement concurrentiel de ce secteur entre 1987 et 2020, de sorte que votre expertise nous paraît aujourd'hui essentielle pour comprendre comment le secteur du transport public particulier de personnes a évolué ces dernières années face à l'essor des VTC, et plus particulièrement des plateformes numériques telles qu'Uber. Je vous remercie de l'état des lieux que vous pourrez brosser pour éclairer les travaux de la commission.
Par ailleurs, il ressort des Uber files que la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), dont nous avons auditionné plus tôt ce jour l'ancienne directrice générale, a mené des contrôles et opéré des visites et saisies dans les locaux de l'entreprise Uber en novembre 2014.
Pouvez-vous nous indiquer si l'Autorité de la concurrence a déjà été saisie par la DGCCRF ou par des concurrents de pratiques potentiellement anticoncurrentielles d'Uber ? A priori, aucune décision concernant le secteur du transport public particulier de personnes n'est publiée à ce jour sur votre site internet.
De façon plus générale, l'Autorité de la concurrence a-t-elle été amenée à sanctionner des pratiques anticoncurrentielles de la part de plateformes numériques de ce type et, si oui, pour quels motifs ?
Dans le cadre des travaux de notre commission, de nombreuses personnes dénoncent le fait que la société Uber aurait subventionné à perte des courses de chauffeurs avec lesquels elle travaillait pour s'imposer comme l'opérateur dominant sur le marché de la réservation préalable de VTC, avant d'augmenter ses tarifs, une fois atteinte une position dominante ou, du moins, centrale sur le marché, pour obtenir un profit. Je souhaiterais donc vous interroger aussi sur ce point.
Avant de vous laisser la parole, je précise que l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes entendues par une commission d'enquête de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.