Monsieur Creux, je vous remercie de vous être rendu disponible pour répondre à nos questions concernant les relations entre le cabinet iStrat, que vous avez créé en 2010, et la société Uber.
À partir du 10 juillet 2022, plusieurs membres du consortium international des journalistes d'investigation (ICIJ) ont publié ce qu'il est désormais convenu d'appeler les Uber files. S'appuyant sur 124 000 documents internes à l'entreprise américaine, datés de 2013 à 2017, cette enquête a dénoncé un lobbying agressif de la société Uber pour implanter en France, comme dans de nombreux pays, des véhicules de transport avec chauffeur (VTC) venant concurrencer le secteur traditionnel du transport public particulier de personnes (T3P) jusqu'alors réservé aux taxis.
Dans ce contexte, notre commission d'enquête a pour objet d'identifier l'ensemble des actions de lobbying menées par Uber pour s'implanter en France ainsi que le rôle des décideurs publics de l'époque, et d'émettre des recommandations concernant l'encadrement des relations entre décideurs publics et représentants d'intérêts. Elle a également pour ambition d'évaluer les conséquences économiques, sociales et environnementales du développement du modèle Uber en France et les réponses apportées par les décideurs publics en la matière.
Il est apparu que la société iStrat a fait publier pour le compte d'Uber, entre novembre et décembre 2014, dix-neuf articles sur treize sites d'information différents, allant de Challenges aux Échos en passant par Mediapart ou Le Journal du Net. iStrat a aussi fait modifier plusieurs pages Wikipédia en lien avec Uber, notamment la page « Taxi en France ». Cette période était critique pour Uber car le tribunal de commerce de Paris devait se prononcer sur la légalité du service UberPop – on sait que ce service a, par la suite, été jugé illégal.
Notre commission d'enquête souhaiterait vous entendre sur la stratégie de communication que le cabinet iStrat a développée pour la société Uber en 2014. Comment fonctionnait un cabinet comme le vôtre ? Quel rôle jouait-il au service de ses clients ? Pouvez-vous nous préciser la ou les périodes précises pendant lesquelles iStrat a travaillé pour Uber ? Ce type de stratégie de communication était-il courant à l'époque ? Est-il toujours mis en œuvre par le cabinet dans lequel vous travaillez aujourd'hui ou par d'autres pour soutenir la stratégie d'implantation, de communication et de lobbying de certaines entreprises ? Est-il, de votre point de vue, nécessaire de renforcer les règles encadrant les activités de lobbying en France pour favoriser la transparence à l'instar de ce qui se fait dans certains pays étrangers ?
Je rappelle que cette audition est ouverte à la presse et qu'elle est retransmise en direct sur le site de l'Assemblée nationale.
Avant de vous laisser la parole pour vous présenter en quelques minutes et répondre à ces premières questions, puis d'entamer les échanges avec Mme la rapporteure et mes collègues, je vous rappelle que l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes entendues par une commission d'enquête de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc à lever la main droite et à dire : « Je le jure ».