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Intervention de Pap Ndiaye

Réunion du mardi 4 avril 2023 à 17h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Pap Ndiaye, ministre :

Je veux vous rassurer concernant l'instruction en famille. Sur 59 000 demandes d'autorisation, plus de 53 000 ont été accordées, soit près de 90 %. S'il n'y a pas de refus massif, il existe toutefois des variations selon les académies. Il nous faut parvenir à un système plus juste à l'échelle du pays, raison pour laquelle nous organisons un séminaire national de formation le 9 mai prochain à destination des référents académiques et départementaux chargés du suivi de l'instruction en famille. Par ailleurs, si certains refus ont donné lieu à des contentieux, particulièrement dans certaines académies, dans l'immense majorité des cas, le tribunal administratif nous a donné raison.

Je rappelle très volontiers mon attachement aux dix-sept langues régionales officiellement reconnues. J'ai eu l'occasion de me rendre dans le collègue d'enseignement bilingue Élie Wiesel à Saint-Denis de La Réunion. J'ai pu vérifier à quel point l'enseignement bilingue était positif et aidait à l'apprentissage de la langue française pour les enfants qui entrent à l'école sans la maîtriser – c'est le cas des trois quarts des enfants en Guyane. Je suis donc très favorable à l'enseignement bilingue.

Vous mentionnez l'existence de cinquante classes bilingues. Il est possible que cela soit insuffisant. Cela pose la question du recrutement de professeurs mais c'est une direction dans laquelle il faut aller. La question de la création d'un office public de la langue réunionnaise ne relève pas du ministère de l'Éducation nationale mais j'y suis personnellement favorable.

Concernant la langue bretonne, nous entendons respecter la convention pour la transmission des langues de Bretagne et le développement de leur usage dans la vie quotidienne, signée en mars 2022. Je suis favorable aux congés de formation, sous réserve que les besoins soient identifiés – j'ai demandé au recteur de la région Bretagne de les recenser. L'existence d'une spécialité de langue régionale au baccalauréat et d'un PPPE spécialisé dans la langue bretonne, à Brest, peut conduire à la formation d'enseignants en langue bretonne. Je regarderai le pont précis concernant le Finistère.

Le programme Phare ayant été généralisé à la rentrée dans les écoles élémentaires et les collèges, un premier bilan sera dressé en fin d'année. Néanmoins, dans les six académies où il a été expérimenté, il a donné de très bons résultats. Cela ne signifie pas que tout soit stabilisé en matière de harcèlement mais nous sommes en bonne voie avec la formation d'adultes et d'élèves ambassadeurs, ainsi que l'élaboration d'un processus pédagogique pour amener les harceleurs à reconnaître leurs torts. Le dispositif avait d'ailleurs été déployé dans le collège de Golbey et des faits de harcèlement avaient bien été signalés à l'automne, avant que ne survienne le drame. À ce stade, la généralisation du programme Phare nous paraît convenable, sous réserve de sa bonne application .

Nous ne pouvons admettre qu'un élève sur dix soit victime de harcèlement au cours de sa scolarité, avec parfois des conséquences épouvantables. Vous pouvez compter sur notre mobilisation contre le harcèlement, d'autant que celui-ci vise de manière disproportionnée des élèves en situation de handicap, LGBT ou réputés tels ; certaines vulnérabilités peuvent servir de point d'entrée pour les harceleurs.

S'agissant de l'enseignement des mathématiques, nous avons besoin de le renforcer mais aussi de le diversifier. Divers travaux, dont le rapport Villani-Torossian, montrent que celui-ci gagnerait à s'inspirer de ce que font d'autres pays, avec un enseignement moins abstrait et moins destiné aux meilleurs élèves. Des changements qualitatifs doivent être apportés. Pour cela, nous allons donner une impulsion aux clubs de mathématiques car ils offrent la possibilité de pratiquer cette discipline sans note, en commun et par le biais de jeux ; cette démarche concrète peut être attirante pour les élèves qui aiment les mathématiques.

La France est dans une situation paradoxale, avec une élite mathématique remarquable – treize médailles Fields, juste derrière les États-Unis – mais un niveau général en mathématiques préoccupant. S'il est essentiel de former des spécialistes ou des professionnels qui utilisent les mathématiques dans leur métier – nous formons chaque année 40 000 ingénieurs, alors qu'il en faudrait 55 000 –, nous ne parviendrons à relever le défi qu'en développant fortement la pratique mathématique et son usage professionnel chez les jeunes filles. C'est du côté des femmes que se situe la marge de progression la plus forte. Cela inclut non seulement les mathématiques mais également les sciences de l'ingénieur et la spécialité NSI – numérique et sciences informatiques –, pour lesquels le déficit est notable. Les évaluations de mi-CP sont très intéressantes parce qu'elles montrent qu'il y a déjà un écart entre filles et garçons, alors que celui-ci n'existe pas au début du CP. Il est désolant de constater que les stéréotypes véhiculés par l'enseignement des mathématiques sont tels que l'écart se dessine vers l'âge de six ans.

La spécificité des formations professionnelles sera bien prise en compte dans Parcoursup – je ne sais pas ce qu'il en est toutefois pour les établissements hors contrat. Je me permets de vous rappeler que je ne suis pas le ministre chargé de Parcoursup, qui dépend de la ministre de l'Enseignement supérieur.

Pour la première fois, les épreuves de spécialité ont eu lieu en mars afin que les résultats de ces épreuves puissent être pris en compte dans Parcoursup. Les universités et les établissements supérieurs attendent ces notes avec beaucoup d'intérêt puisqu'elles permettront d'avoir une évaluation nationale, par opposition au contrôle continu qui introduit des variations de notation importantes entre les établissements.

Les programmes ont été adaptés de manière à ce que les épreuves portent sur une partie et que l'autre partie soit terminée au-delà du mois de mars. L'enjeu porte sur le troisième trimestre : les élèves seront-ils suffisamment motivés une fois que les épreuves auront été passées ? Il reste tout de même le grand oral portant sur les épreuves de spécialité, qui se tiendra à la mi-juin. J'espère aussi que l'intérêt intrinsèque de ces disciplines motivera les élèves.

Les élèves laissés sans affectation par Parcoursup ne se comptent pas en dizaines de milliers – les chiffres sont très inférieurs à ceux qui ont été cités. C'est un processus qui se déroule en plusieurs vagues. Si Parcoursup est perfectible, la plateforme s'améliore d'année en année. L'Éducation nationale a des efforts à faire concernant l'orientation, qui est une phase décisive. Bien que les professeurs principaux soient chargés de ce travail – il y en a deux en classe de terminale –, nous constatons des variations importantes entre établissements. Nous devons progresser sur ce point parce que ce sont souvent les élèves, voire leurs familles qui se chargent de l'écriture des lettres de motivations.

Toutefois, l'idée selon laquelle la période ante -Parcoursup aurait été idéale, les lycéens trouvant leur formation de façon très fluide, est inexacte. En effet, certaines filières en tension avaient recours au tirage au sort et, dans la plupart des établissements, c'était la course pour pouvoir s'inscrire en premier. Je suis donc extrêmement réservé sur cette manière de peindre en rose la période d'avant Parcoursup, qui était marquée par de très fortes inégalités.

De ce point de vue, Parcoursup représente un progrès, même si tout n'est pas parfait. La manière dont le site est conçu est très intéressante car il met à disposition une grande quantité d'informations, avec des focales sur des régions ou sur des thèmes. Ce n'est pas Parcoursup qui décide de l'avenir de nos jeunes : il met en relation les lycéens avec des établissements supérieurs, et ce sont des commissions d'enseignants qui analysent les dossiers et les classent. Parcoursup ne choisit pas pour les établissements, lesquels ne voudraient certainement pas qu'un algorithme décide pour eux.

Madame Colboc, s'agissant du pacte enseignant, dont j'ai mentionné la souplesse, il se décompose en briques, chaque enseignant étant libre d'en choisir une, deux ou trois. Des priorités ont été fixées : elles vont aux remplacements de courte durée dans le secondaire ; et, pour les enseignants du primaire, aux cours d'approfondissement en sixième.

Dans les deux cas, le dispositif « devoirs faits » est généralisé : il devient obligatoire en sixième à partir de la rentrée prochaine. Notre objectif est d'atteindre 100 % des élèves de sixième, contre 41 % aujourd'hui. Selon une étude marseillaise, faire ses devoirs au collège plutôt qu'à la maison, dans un environnement parfois défavorable à la concentration et au travail scolaire, est bénéfique pour les enfants. C'est pourquoi nous généralisons le dispositif.

Madame Genevard, j'ai repris une formule de Jean-Paul Delahaye, ancien directeur général de l'enseignement scolaire, qui a joué un rôle important au sein du ministère de l'Éducation nationale. Dans son ouvrage autobiographique comme dans ses réflexions, il évoque une « injustice » de l'école envers les pauvres et le fait qu'en contraste avec d'autres pays et grâce au filet de sécurité de l'État-providence, on traite mieux en France, dans de nombreux secteurs, les plus défavorisés. S'agissant de l'école, en revanche, on a davantage de difficultés.

La réponse passe notamment par la mixité, dans laquelle j'inclus l'implantation de filières attractives. Vous avez toutefois raison de souligner la nécessité de mieux former les enseignants. Nous travaillons d'ailleurs à une réforme du recrutement et de la formation des enseignants du premier degré. J'ai formulé une première proposition qui consisterait à recruter non à bac+5 – un recrutement injuste car, selon les comparaisons internationales, cinq années d'études ne sont pas nécessaires – mais à bac+3, avec ensuite deux ans de formation en tant qu'élève-professeur rémunéré, comme dans les écoles normales de jadis.

Il s'agit de compenser une situation, originale en Europe, où la formation académique l'emporte sur la formation au métier. Il faut faire en sorte de renforcer cette dernière, tout en gardant la mastérisation. Pour cela, il semble intéressant d'avancer le concours de professeur des écoles à bac+3, avant de former les lauréats à leur métier pendant deux ans. Nous devons avoir des enseignants mieux formés, qui restaurent l'ascenseur social. Les instituteurs, « hussards noirs de la République », comme Jules Ferry les envisageait il y a plus d'un siècle, étaient des enfants du peuple. À bac+3, on recrute de futurs enseignants boursiers ou du moins de milieux modestes, car il est plus facile d'atteindre ce niveau d'études du point de vue financier.

S'agissant de la coopération entre les enseignants et les associations, je suis en accord avec Mme Calvez. Nous disposons d'un éventail de propositions associatives, qui n'est pas toujours connu des enseignants. L'école fonctionne aussi grâce à la participation d'associations avec lesquelles elle peut conclure des conventions pluriannuelles, qui garantissent leur investissement sur des thématiques essentielles, y compris celles qui relèvent de l'entreprise.

Madame Anthoine, un effort doit être entrepris pour le dédoublement des classes. Il est achevé en CE1 et CP, et presque réalisé en grande section de maternelle – de mémoire, 74 % des classes de ce niveau sont dédoublées et le chiffre de 86 % devrait bientôt être atteint. Le travail est fait. Les moyens nécessaires ont été dégagés, de même que ceux pour la limitation des classes à 24 élèves, hors éducation prioritaire, pour le CP et le CE1, dans tous les territoires, y compris ruraux.

Il existe quelques établissements classés en Rep en territoire rural, notamment à Sainte-Mère-Église dans la Manche. Les enseignants y travaillent beaucoup avec les animaux.

Madame Riotton, nous ne respectons pas encore les obligations de la loi du 4 juillet 2001 en matière d'éducation à la sexualité. Le rapport de l'Inspection générale ainsi que l'enquête flash que nous avons réalisée auprès des chefs d'établissement l'ont confirmé à l'automne dernier. Nous avons donc pris nos dispositions pour avancer. Le 1er septembre dernier, j'ai inauguré un séminaire national de formateurs sur le sujet, qui se décline dans les académies ; j'ai publié des circulaires à ce sujet. Nous avons aussi réactualisé les fiches pédagogiques disponibles sur le site du ministère de l'Éducation nationale, Eduscol, à l'attention des enseignants. Nous mènerons une seconde enquête d'ici à la fin de l'année, pour évaluer les progrès.

Nous devons notamment améliorer ce qui relève des aides pédagogiques car les enseignants comme les infirmiers et infirmières scolaires se plaignent d'un manque de documentation. La question est essentielle pour nos jeunes en matière d'égalité comme de lutte contre les violences sexuelles et sexistes. Les études internationales le montrent, là où l'éducation à la sexualité est bien enseignée, le climat scolaire s'améliore, des dérives problématiques tel l'accès à l'industrie pornographique sont combattues. Quatre sénatrices ont publié un rapport instructif sur le sujet il y a quelques mois. Nous devons donc avancer : je suis prêt à écouter vos suggestions et faire ce qu'il faut pour que l'éducation à la sexualité trouve sa place.

M. Berta a relevé que la formation des professeurs des écoles était rarement scientifique. Il est vrai que les enseignants viennent plutôt de filières universitaires littéraires ou de sciences humaines, mais plus de 60 % d'entre eux détiennent un bac S. Nous avons lancé il y a plusieurs années le plan Mathématiques, un plan de formation des professeurs des écoles en mathématiques, pour pallier les manques constatés. Il donne de bons résultats s'agissant de l'enseignement des mathématiques et de la lutte contre les phénomènes d'intimidation auxquels les professeurs qui n'ont pas étudié les mathématiques depuis longtemps peuvent être soumis.

Monsieur Pellerin, nous avons récemment profité de la semaine des médias et de la presse, pour éduquer aux médias et à l'information. Il s'agit non seulement d'encourager la lecture de la presse, comme un élément essentiel d'ouverture, de compréhension et d'intelligence du monde, mais aussi d'enseigner comment trier des informations sur internet et comment procéder pour les trouver.

Lorsqu'un élève se rend dans un centre de documentation et d'information (CDI), il fait face à un trop-plein d'informations, qu'il doit trier. L'éducation aux médias doit s'accompagner d'une éducation à la façon dont on construit l'information. À titre d'exemple, Wikipédia est une source d'information colossale, qui pose un problème non tant par les erreurs factuelles, peu nombreuses, qui peuvent s'y trouver, que par le fait qu'il n'établit pas de hiérarchie entre ce qui est important et ce qui ne l'est pas. Le site offre un déballage d'informations, importantes ou non. Les élèves se trouvent très dépourvus lorsqu'ils doivent réaliser un exposé à partir d'une fiche Wikipédia.

Nous déployons également la plateforme d'évaluation et de certification des compétences numériques PIX à partir de la classe de sixième, pour former les élèves au bon usage des outils numériques – choix du mot de passe, méfiance envers les escroqueries. Cet enseignement transversal peut être assuré par de nombreux professeurs, au-delà des enseignants documentalistes qui sont néanmoins les plus concernés.

Madame Mette, les classes de découverte ont été très affectées par la crise sanitaire. Nous observons toutefois un regain, vers la mer, la montagne ou la campagne. L'Éducation nationale y est très favorable. Les initiatives proviennent également des collectivités, qui participent à leur financement.

Les classes à l'extérieur ont également connu un fort développement durant la crise sanitaire, notamment en primaire, pour les classes de maternelle et d'élémentaire. À la suite de cet engouement, la pratique s'installe – j'ai pu le vérifier lors du Congrès national des enseignants des écoles et classes de maternelle publiques, à Périgueux. Des Parisiens se rendent ainsi dans le bois de Vincennes ou de Boulogne, pour profiter de la nature. Cela est essentiel, en particulier pour l'éducation au développement durable.

Madame la présidente, l'enseignement en technologie sera assuré en cycle 4, de la cinquième à la troisième Nous sommes en train de réviser le programme de l'enseignement de sciences numériques et technologie, sans l'alourdir, afin qu'il puisse répondre à nos exigences. Nous considérons que des bases solides en mathématiques sont un préalable indispensable à la technologie. Loin d'y voir un recul de la technologie, il faut envisager la réforme qui conduit à supprimer son enseignement en sixième comme une consolidation de cette matière en cycle 4. Nous y travaillons avec l'Inspection générale.

Madame Piron, j'ignore comment les informations d'état-civil sont remontées aux maires, et me pencherai sur la question. Cela ne remet cependant pas en cause la démarche pluriannuelle que j'ai proposée. Le délai de trois ans semble raisonnable : même si la qualité des informations d'état-civil n'est pas parfaite, on dispose tout de même d'une photographie. D'année en année, il faut regarder les évolutions, notamment migratoires, qui peuvent survenir, car certaines familles s'installent ou déménagent. Les petites sections d'école maternelle qui accueillent les enfants de 3 ans, voire les très petites sections dans certaines écoles, sont concernées au premier chef.

Enfin, nous envisageons non pas une évolution réglementaire pour l'enseignement privé mais des discussions et des points d'accord. J'insiste sur la dimension partenariale – j'ai rencontré tous les acteurs du secteur.

Le coût de la restauration scolaire est souvent un obstacle pour les familles qui ne disposent pas de ressources suffisantes. Dans le public comme dans le privé, celle-ci ne dépend pas du ministère de l'Éducation nationale : les collectivités sont libres de participer à son financement. Des fonds sociaux peuvent en prendre en charge une partie.

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