Un mouvement d'ultradroite mène toujours des actions dans un contexte sociopolitique et économique donné – c'est ainsi qu'on analyse le phénomène sur le long terme. Aujourd'hui, c'est ce qu'on appelle les imaginaires – théorie sociopolitique que tout le monde connaît – qui, majoritairement, déterminent le contexte sociopolitique : dans quel imaginaire se développe telle ou telle action, comment sera reçu par la population tel ou tel autre type d'action, en fonction de quoi la population jugera la légitimité de telle ou telle action, notamment menée par un gouvernement ?
Entre l'été 2021 et le mois de mars 2022, un chercheur de l'Institut national de l'audiovisuel – INA – et une chercheuse du Centre national de la recherche scientifique – CNRS – ont conduit une enquête grâce à laquelle on dispose de chiffres : que ce soit aux États-Unis, en France, en Belgique, en Italie, en Hongrie ou encore en Allemagne, l'imaginaire et l'ambiance sociale qui règnent, semblent avaliser et donner corps à des idées qui étaient hors de la fenêtre d'Overton – pour reprendre un terme que, désormais, tout le monde connaît. La fenêtre d'Overton recouvre ce qui peut être dit au sein d'une société ou dans un média. Depuis une dizaine d'années, cette fenêtre s'est déplacée, des termes créés par des groupuscules sont devenus normaux : l'expression « problème de l'immigration » apparue en 1983, ou le slogan de Civitas « la sécurité est la première des libertés » en 1986. Ce phénomène, vous le comprenez aisément, puisque vous faites tous ici de la politique.
De manière nette, claire et précise, l'analyse lexicographique et lexicométrique, ainsi que les propos des militants que nous interrogeons régulièrement, révèlent que, depuis quelques années, quelque chose a bougé, donnant l'impression à certains, notamment à des loups solitaires, qu'ils sont financés ou poussés à agir. Il y a vingt ans, tel n'était pas le cas.