À partir de l'expérience de la Ligue des droits de l'homme (LDH), nous formulons trois principales observations. Premièrement, un accroissement assez spectaculaire des actions des groupuscules d'extrême droite, qu'elles prennent la forme de tracts, de propos ou d'actes violents. Nous en avons relevé plusieurs, qui ont parfois donné lieu à des actions intentées par la LDH et à l'appui de procédures engagées par le ministère public : des saluts nazis dans des stades de football, à Reims et à Lorient ; des actes de violence et de provocation à la haine à Bordeaux, lors de la marche des fiertés ; à Bordeaux encore, dans le quartier Saint-Michel, un groupuscule d'extrême droite s'est attaqué à plusieurs personnes avec des cris de singe et des actes de violence, ; de nombreux tracts, souvent en lien avec le mouvement Reconquête.
Nous avons également observé, dans le même registre d'actes violents, des actions assez spectaculaires de groupuscules d'extrême droite visant les centres d'accueil pour demandeurs d'asile (Cada) et, plus largement, les centres d'hébergement d'étrangers, notamment à Corlay, à Bélâbre et à Saint-Brevin-les-Pins. Le maire de cette commune a résisté à ce mouvement visant à l'empêcher d'ouvrir un centre d'accueil ; son domicile a été incendié. À Lyon, une librairie a été attaquée avec menace d'utilisation d'armes. Ce type d'actions se développe de manière très inquiétante.
Deuxièmement, l'augmentation de l'infiltration de mouvements complotistes et sectaires par des groupuscules d'extrême droite. Ce point nous préoccupe beaucoup, puisque la LDH travaille en lien étroit avec la Miviludes – mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires. Ce matin encore, nous avons reçu des alertes au sujet de ces infiltrations et des liens, de plus en plus étroits, entre ces groupuscules et des mouvements à caractère sectaire – en l'occurrence, les Brigandes. C'est pourquoi il est nécessaire d'agir en lien avec la Miviludes.
Troisièmement – c'est peut-être le point le plus important –, ces dernières années, l'une des principales réactions face aux groupuscules d'extrême droite est leur dissolution administrative. Au cours des trois dernières années, on en dénombre plusieurs : Génération identitaire, dissoute en 2021 ; l'Alvarium, qui sévissait surtout dans la région d'Angers ; Bordeaux nationaliste et les Zouaves Paris – une sorte d'émanation, ou de résurrection, du GUD –, dissous cette année.
Ces dissolutions administratives sont une riposte, mais on observe une recomposition de ces groupuscules. Il ne suffit donc pas de les dissoudre : ces mouvements se renouvellent sous une forme ou sous une autre. En définitive, la dissolution a des effets relatifs. C'est pourquoi nous proposons de ne pas agir seulement sur l'organisme mais sur ses membres, à titre individuel, en engageant leur responsabilité pénale. Si des agissements correspondant à des infractions pénales sont constatés, une action pénale individualisée serait préférable aux dissolutions dont l'effet est relatif.