Intervention de Christophe Deloire

Réunion du jeudi 16 février 2023 à 18h15
Commission d'enquête relative aux ingérences politiques, économiques et financières de puissances étrangères-États, organisations, entreprises, groupes d'intérêts, personnes privées-visant à influencer ou corrompre des relais d'opinion, des

Christophe Deloire, secrétaire général de Reporters sans frontières :

Ce que nous proposons n'est pas du tout faible. Il faut prendre des mesures qui, pour être démocratiques, n'en sont pas moins fortes et radicales. Le tout est de le faire de façon pertinente.

Par exemple, nous regrettons un peu les modalités des sanctions prises contre les chaînes russes – leur contenu n'est pas illégitime dans son principe. Au demeurant, nous avions demandé à l'ARCOM, bien avant la guerre en Ukraine, de prendre des précautions accrues s'agissant de RT et de lui imposer des obligations renforcées en matière d'indépendance éditoriale et de pluralisme. Cette chaîne était clairement partie prenante d'un projet de déstabilisation, s'inscrivant dans la doctrine élaborée par le général Guerassimov. Les dirigeants de RT, comme nous le disions depuis longtemps, prenaient leurs ordres au Kremlin. Sa patronne, Margarita Simonian, s'est d'ailleurs transformée depuis lors en propagandiste assumée.

La logique de nos interlocuteurs, dans ces médias – que nous avons refusés, en raison de leur structure et de leur finalité, de qualifier de journalistiques, même si des journalistes y travaillent –, a toujours été très surprenante pour nous. Ils considèrent en effet qu'on ne trouve nulle part de médias indépendants et que la Russie fait ce qui se fait partout ailleurs, sans comprendre que l'indépendance éditoriale et la déontologie journalistique ont un sens et des effets bien réels. Certes, les médias occidentaux ne sont pas exempts de biais ni parfois de défauts, voire de gros défauts, mais ils ont une indépendance et une qualité journalistique qui les distingue.

L'objectif est d'éviter que l'Union européenne ou les pays européens ne soient amenés à prendre des mesures sur la base de sanctions économiques – ce n'est pas formidable s'agissant de la légitimité des modalités. Ces décisions devraient revenir à des organes de régulation. J'observe que le régulateur britannique, l'Ofcom, a pris des décisions. Les Britanniques ont géré le problème avec leur organe de régulation, sur une base juridique. Tel n'a malheureusement pas été le cas au sein de l'Union européenne, peut-être en raison de l'urgence de la situation. Ce qui importe, c'est de nous doter d'un organe indépendant ayant la capacité juridique de prendre des décisions éventuellement fortes, sur la base de principes et sans caractère discrétionnaire d'ordre politique.

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