Intervention de Patrick Lefas

Réunion du jeudi 16 février 2023 à 18h15
Commission d'enquête relative aux ingérences politiques, économiques et financières de puissances étrangères-États, organisations, entreprises, groupes d'intérêts, personnes privées-visant à influencer ou corrompre des relais d'opinion, des

Patrick Lefas, président de Transparency International France :

Pour ce qui concerne les groupes d'amitiés, il ne m'appartient pas de dire quels sont les pays à surveiller. Un agrément préalable est donné par le Bureau de l'Assemblée ou du Sénat à ces groupes dont l'activité consiste essentiellement à organiser des missions auprès de parlements étrangers et à recevoir des délégations, ces événements devant eux aussi être approuvés par le Bureau. Des problèmes pourraient se poser au niveau d'activités extérieures aux groupes d'amitiés, qui ne se déroulent pas toujours dans le cadre de ces missions. Il ne s'agit pas d'accuser les parlementaires, car de tels contacts peuvent avoir un intérêt pour leur circonscription, mais il y a là un certain risque, qui doit être encadré. Depuis 2019, les députés doivent déclarer préalablement au déontologue de l'Assemblée les invitations de voyage qu'ils reçoivent, lesquelles sont rendues publiques dans un registre. C'est là, dans l'ensemble, une garantie assez forte.

Une marge de progrès existe encore pour la diffusion des comptes rendus des activités de ces groupes, qui ne sont que de petits rapports d'activité, sans commune mesure avec ce qui se fait pour chaque commission permanente, commission d'enquête ou mission d'information. Il y a là une matière à contrôler.

Par ailleurs, en 2021, la commission d'apurement des comptes de l'Assemblée nationale observait que toutes les activités parlementaires ayant un lien avec des interlocuteurs à l'étranger – ce qui est un champ plus large que les seuls groupes d'amitié – n'étaient pas retracées dans le compte « activités internationales de l'Assemblée nationale ». Il faut donc prévoir qu'un avis préalable du déontologue, qui sera respecté, soit rendu avant l'organisation d'un déplacement à l'étranger d'un groupe d'amitié ou d'un déplacement extérieur au groupe d'amitié, et intensifier les comptes rendus du travail réalisé. Il y a dans ce domaine une marge de progrès. Il faut aussi rendre obligatoire la publication des rendez-vous avec des lobbyistes. Quand il s'agit de représentants d'intérêts étrangers, il importe de le savoir. Plus la transparence est grande, mieux c'est.

Pour ce qui est de la constitution de partie civile, notre association est compétente pour les recettes, mais pas pour un éventuel financement illégal. Toutes les campagnes électorales, sauf la dernière, ont été marquées par diverses anomalies. Il est donc utile de laisser aux organisations non gouvernementales dont la fonction est la lutte contre la corruption la faculté de mettre le doigt sur des pratiques condamnables afin d'aider la justice à faire la lumière sur des anomalies souvent relevées, mais pas en totalité, par la Commission nationale des comptes de campagne. Il y a là une marge de progrès en vue d'aider le parquet ou le juge du siège dans leurs diligences.

Quant aux paradis fiscaux, ce sont aussi des paradis judiciaires qui permettent la constitution de sociétés écrans, entourées de montages de plus en plus sophistiqués qui empêchent d'avoir accès à l'information. C'est la raison pour laquelle nous souhaitons ardemment le maintien du registre des bénéficiaires effectifs, qui a failli mourir à la suite de l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne sur une question préjudicielle renvoyée par un tribunal luxembourgeois à l'initiative d'un homme d'affaires très influent qui avait pour fonds de commerce le développement d'une assistance aux montages compliqués. Le ministre des finances a décidé de laisser ouvert le registre pour permettre à des associations comme la nôtre et aux journalistes d'investigation de faire leur travail. LuxLeaks n'aurait pas existé sans le registre des bénéficiaires effectifs accessible au Luxembourg – ceux qui avaient des choses à se reprocher ont trouvé qu'il s'agissait d'une atteinte intolérable à la vie privée.

Si l'on parvient à identifier une société dont on ne connaît pas l'origine du capital, on peut remonter la chaîne et responsabiliser les intermédiaires dans des transactions immobilières, comme un agent immobilier, un banquier ou un notaire, pour les inciter à avoir la curiosité de s'assurer que le bénéficiaire effectif est bien celui qui a été déclaré. En effet, on ignore la répartition du capital d'une société civile immobilière (SCI). La transparence est nécessaire pour lutter contre l'ingérence étrangère et le registre des bénéficiaires effectifs représente, à cet égard, un enjeu crucial. J'espère que nous pourrons trouver dans la sixième directive antiblanchiment qui est en cours de discussion au sein des institutions européennes la parade permettant de concilier la position de la Cour de justice de l'Union européenne avec les exigences d'un minimum de transparence, faute de quoi la chasse aux biens mal acquis sera beaucoup plus difficile.

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