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Intervention de Patrick Lefas

Réunion du jeudi 16 février 2023 à 18h15
Commission d'enquête relative aux ingérences politiques, économiques et financières de puissances étrangères-États, organisations, entreprises, groupes d'intérêts, personnes privées-visant à influencer ou corrompre des relais d'opinion, des

Patrick Lefas, président de Transparency International France :

La question est multiple. Pour commencer par la fin, elle renvoie à celle des moyens de la justice. La France compte en effet moins de magistrats et de procureurs que l'Allemagne, avec des délais d'instruction souvent très longs. Notre pays accuse également un déficit d'enquêteurs et nous avons voulu mettre l'accent, dans la réforme de la police judiciaire, sur la préservation de la filière d'enquête. Ce métier n'est pas facile et il est peu valorisé – il est plus valorisant de travailler à la direction de la sécurité publique, où l'on est encadré, que de faire un travail dont on ne rend pas compte à sa hiérarchie et qui dépend d'un procureur de la République ou d'un juge d'instruction. L'enjeu en termes de moyens se pose donc à tous les niveaux. Selon nous, dans les arbitrages budgétaires récents, c'est plutôt la justice de proximité qui a été bien servie.

La criminalité financière organisée fait apparaître une sorte de continuum entre la corruption, le blanchiment et la fraude fiscale, qui forment souvent un ensemble face auquel la lutte demande plus de moyens. Pour lutter, par exemple, contre le trafic de drogue, il ne faut pas viser l'arrestation du petit dealer local, mais le démantèlement d'organisations multinationales qui sont devenues de très grandes puissances, comme on l'a constaté encore récemment en voyant s'échouer sur les côtes françaises des ballots de cocaïne. Les douanes font un travail remarquable, mais il faut s'attaquer à ce problème. C'est une question de renseignement et de géolocalisation, et les moyens ne sont pas à l'échelle de ce qui serait nécessaire pour une lutte efficace.

L'enjeu est donc le renforcement des moyens de la justice financière. Des progrès sont réalisés au niveau local. Ainsi, chaque procureur de la République dispose de l'outil des conventions judiciaires d'intérêt public, mais le PNF observe, non sans raison, que cet outil est compliqué et que, si on ne l'utilise pas fréquemment, on risque de rencontrer des difficultés pour trouver un point d'équilibre, de telle sorte qu'une certaine spécialisation est nécessaire. De ce point de vue, les juridictions interrégionales spécialisées (JIRS) sont une bonne réponse pour l'appréhension de phénomènes plus locaux. Je rejoins donc, à cet égard, l'analyse de M. Duchaine.

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