Ce site présente les travaux des députés de la précédente législature.
NosDéputés.fr reviendra d'ici quelques mois avec une nouvelle version pour les députés élus en 2024.

Intervention de André Gattolin

Réunion du jeudi 16 février 2023 à 18h15
Commission d'enquête relative aux ingérences politiques, économiques et financières de puissances étrangères-États, organisations, entreprises, groupes d'intérêts, personnes privées-visant à influencer ou corrompre des relais d'opinion, des

André Gattolin, sénateur des Hauts-de-Seine :

Au risque de vous décevoir, je n'ai travaillé ni sur ITER ni sur le Cern.

En revanche, il est un principe de la coopération internationale, y compris avec des puissances au passé difficile : on ne s'espionne pas. De même – les services de renseignement me l'ont confirmé –, pendant les réunions du G7, les États ne s'espionnent pas afin de garantir une liberté de parole et des échanges fructueux.

En matière spatiale, la coopération demeure : en dépit de toutes les tensions, c'est un lanceur russe qui va chercher deux astronautes américains et un cosmonaute russe dans la station spatiale internationale (ISS). Vladimir Poutine a certes annoncé le départ de la Russie de l'ISS après 2024. Toutefois, il n'a pas les moyens de bâtir sa propre station et les perspectives de coopération avec la Chine ne semblent guère prometteuses. L'Arctique peut également être qualifié de zone de basse tension, où la coopération fonctionne encore bien.

Le discours en faveur de la science ouverte, coopérative et inclusive relève un peu de la même idéologie que celle qui voyait dans le développement du marché la clé de la démocratie. Selon cette théorie, le libéralisme économique devait engendrer le libéralisme politique. Or la montée de l'illibéralisme et de la puissance chinoise démontre le contraire.

Les instances européennes restent très attachées à la coopération en matière de recherche et d'innovation. Elles souhaitent que les projets et les financements du programme Horizon Europe restent ouverts à tout le monde. Selon une étude de l'Institut de guerre économique publiée en 2022, près de la moitié des projets du précédent programme-cadre de l'Union européenne pour la recherche et l'innovation sont tombés, d'une manière ou d'une autre, entre les mains de pays qui n'étaient pas souhaités. C'est grave. Lorsqu'on crée le plus grand programme de financement public au monde, il est important de se protéger. Avec mon collègue député européen Christian Ehler, nous nous battons pour les libertés académiques. Il a obtenu, lors des négociations sur le règlement relatif au programme Horizon, l'introduction d'une clause précisant que la coopération est limitée aux pays respectant la liberté académique et la réciprocité.

Il n'existe pas, d'un côté, une recherche scientifique dans le domaine militaire méchante et agressive, et de l'autre une science civile. Aujourd'hui, toutes les innovations peuvent peu ou prou faire l'objet d'un double usage, comme on l'a vu avec internet. Si l'Agence spatiale européenne a depuis sa création une vocation civile, l'Union européenne réfléchit désormais à des missions duales, consciente de la nécessité de disposer de moyens de défense dans l'espace. L'Europe a trop longtemps cru qu'elle pouvait être une puissance atypique dont la force reposait sur sa seule influence normative. Or la guerre en Ukraine et d'autres conflits ont montré qu'elle devait se doter de moyens militaires, à tout le moins défensifs, sérieux. Le temps où les relations internationales se pacifiaient à coups d'échanges économiques et de coopérations a, sinon vécu, du moins du plomb dans l'aile.

Pour la Russie, la France n'est pas attractive compte tenu de ses domaines d'excellence scientifique – les mathématiques, le nucléaire, l'aviation militaire. Les pays cherchent souvent chez les autres ce qu'ils ne possèdent pas eux-mêmes. L'ingérence obéit à des préceptes simples : on ne fait pas les poches d'un pauvre ; on vole ce qu'on n'a pas. Je regrette le manque de travail méthodologique en France et au niveau européen sur ce point. La création d'un observatoire agnostique, dont on pourrait éventuellement exclure les pays européens, permettrait de le combler.

Je suis parvenu à la conclusion qu'il n'existe pas d'influence américaine dans le milieu académique. Cela ne plaira pas à mes amis mais les établissements américains implantés en France ne sont pas de grandes universités ; on les fréquente surtout à l'occasion d'une année sabbatique, pour découvrir la culture française ou travailler sur l'histoire de l'art. Les États-Unis possédant des instruments d'influence économique, l'influence académique leur est moins nécessaire. On m'a reproché de ne pas adresser les mêmes critiques aux géants américains de l'internet qu'aux groupes chinois. Certes, après les révélations sur la surveillance de responsables politiques étrangers – jusqu'à Angela Merkel, tout de même ! – exercée par la NSA (National Security Agency), M. Obama, après avoir affirmé que les États-Unis espionnaient pour des raisons de sécurité nationale, a dû reconnaître la réalité de l'espionnage économique. Mais, dans les pays démocratiques, le Parlement enquête et la vérité finit par éclater là où, dans d'autres pays, on ne saura jamais. Je ne donne pas quitus aux États-Unis qui, eux-mêmes, ont fait preuve d'un grand laisser-aller à l'égard de la Chine.

Nous prenons sans doute conscience un peu tard que le monde n'est plus aussi pacifié que par le passé. Les négociations au sein des instances multilatérales ou les accords économiques ne suffisent plus à résoudre les conflits.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.