Les phénomènes que nous avons classés comme ingérences numériques étrangères visent en effet surtout à dénigrer soit un candidat, soit la procédure électorale elle-même. Le cas Beth est particulier, vous l'avez compris, puisque c'est en apparence une opération de promotion qui se déroule selon un calendrier en deux phases : une première opération d'installation de ces fermes à trolls, de promotion des narratifs ; dans un second temps, on fait apparaître dans des blogs, dans des médias locaux, l'idée que des fermes à trolls seraient actives, dans l'espoir que des journalistes indépendants s'en saisissent, trouvent les premiers comptes implantés et confirment qu'une opération de promotion avait bien été téléguidée. C'est une manœuvre sophistiquée, qui implique une grande maîtrise de l'enjeu informationnel par certains de nos compétiteurs stratégiques.
Parmi les soixante phénomènes que nous avons détectés, il y avait de tout : certaines choses nous paraissaient inauthentiques mais nos vérifications n'ont rien donné ; certains phénomènes cachaient peut-être des ingérences mais nous n'avons pas pu démontrer l'implication d'un acteur étranger. Encore une fois, je parle avec beaucoup de modestie : la campagne présidentielle de 2022 était le premier engagement intense du service Viginum, créé quelques mois auparavant seulement. Je n'affirmerai pas que nous avons tout vu, tout compris. Mais nous avons pu démontrer qu'il était possible de mettre au jour des phénomènes et de tester notre chaîne de réponses et de ripostes.
Sur ce dernier aspect, j'ajoute à ce que disait le secrétaire général que c'est là une action interministérielle par nature, puisque ces phénomènes de manipulation de l'information touchent plusieurs champs ministériels : les élections relèvent du ministère de l'intérieur, l'influence et la contre-ingérence relèvent plutôt des services de renseignement et du ministère des affaires étrangères. Cela explique le rattachement de Viginum au SGDSN : la manœuvre d'ensemble doit être coordonnée, sous l'autorité de la Première ministre, pour définir une ligne d'action commune.