Intervention de Gabriel Ferriol

Réunion du jeudi 16 février 2023 à 15h30
Commission d'enquête relative aux ingérences politiques, économiques et financières de puissances étrangères-États, organisations, entreprises, groupes d'intérêts, personnes privées-visant à influencer ou corrompre des relais d'opinion, des

Gabriel Ferriol, chef du service de vigilance et de protection contre les ingérences numériques étrangères :

Je précise que la demande de la journaliste, qui avait déjà travaillé sur Wagner, concernait l'influence russe. Nous lui avons communiqué les éléments relatifs à ce phénomène car nous avions, comme l'a dit le secrétaire général, des motifs de soupçonner l'implication de la galaxie Prigojine. Nous ne lui avons pas parlé des autres phénomènes, notamment de ceux émanant de l'extrême droite américaine, car ce n'était pas le sujet de son reportage.

S'agissant du lien avec les plateformes, l'année 2022 a été pour nous une année de test, une année où nous nous sommes demandé comment répondre à ces phénomènes.

Dans le cas du phénomène Beth, nous avons d'abord voulu faire preuve de transparence : la médiatisation de cette histoire permet de démontrer aux gens que ces manipulations existent.

Nous avons aussi contacté les différentes plateformes impliquées pour leur signaler le phénomène. Nous leur avons décrit ce que nous avions observé, en leur fournissant des critères techniques pour qu'elles puissent conduire leurs propres investigations de façon indépendante et décider d'éventuelles actions de modération. La difficulté que nous avons rencontrée, c'est que, parmi nos critères, figurent le « contenu manifestement inexact ou trompeur » et la « diffusion artificielle ou automatisée, massive et délibérée ». Or les plateformes ont, elles, une lecture très anglo-saxonne : à leurs yeux, le fait qu'un contenu soit manifestement inexact ou trompeur n'est pas une raison suffisante pour le faire disparaître. Elles sont beaucoup plus intéressées par les manœuvres inauthentiques ou coordonnées. En l'occurrence, elles sont tombées d'accord avec nous pour considérer que l'activité en cause était inauthentique ; mais elles ont estimé que nous n'apportions pas suffisamment de preuves d'une coordination des différentes « fermes à trolls » impliquées. Tous ces groupes disaient à peu près la même chose ; mais, parce que nous n'utilisons que des sources ouvertes, nous ne pouvions pas démontrer qu'ils étaient coordonnés, qu'ils avaient un même plan d'action, qu'ils obéissaient à un même commanditaire. Les plateformes ont considéré que les éléments que nous leur apportions ne justifiaient pas une mesure de modération.

Nous restons très humbles : il est tout à fait possible que ce que nous leur apportions n'ait pas été suffisant pour statuer. Mais nous observons aussi que les efforts de modération déployés par les plateformes en Afrique sont bien moins intenses qu'aux États-Unis ou en Europe. Des logiques économiques sont à l'œuvre… C'est pour cette raison que l'Afrique devient, pour reprendre les mots du secrétaire général, une sorte de Far West informationnel ; les États n'interviennent pas pour réguler, les plateformes ne sont pas incitées à le faire. Le champ de l'information y est donc particulièrement sauvage.

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