Ici, je sors de ma sphère de compétence. Des agents de l'ambassade de Russie, nous en avons expulsé. Du point de vue opérationnel, je préfère que l'on expulse un attaché beaucoup moins visible, mais beaucoup plus actif en sous-main, que le porte-parole officiel, bien connu, intervenant sur une chaîne de télévision, censé y recevoir la contradiction de la part d'autres personnes – cela fait partie du débat. Si ce monsieur était expulsé, il serait remplacé par un autre. C'est sans doute parce que l'ambassadeur ne parle pas très bien français qu'il n'intervient pas lui-même à la télévision comme le faisait son prédécesseur, M. Orlov, lequel était très présent dans les médias.
Parmi les premières sanctions décidées après le début de l'invasion figurait l'interdiction faite à des médias comme Spoutnik ou Russia Today d'émettre à partir de la France et de l'Europe. Nous avions considéré qu'ils devaient être interdits car ils faisaient de la propagande pour la Russie. Progressivement, nous avons fait en sorte que tous les proxys et autres moyens qu'ils pouvaient utiliser pour rebondir soient suspendus. Nous l'avons fait dans un cadre juridique établi ; ils ont eu le droit de contester cette décision devant la justice, nationale comme européenne, qui leur a donné tort. De ce point de vue, la démocratie a bien fonctionné et je ne peux que m'en réjouir.
L'article 414 du code pénal est très clair en ce qui concerne l'intelligence avec l'ennemi, « le fait de livrer ou de rendre accessibles à une puissance étrangère […] des renseignements, procédés, objets, documents, données informatisées », etc., l'espionnage, la relation d'entente, pouvant entraîner une peine allant jusqu'à trente ans de détention criminelle et 450 000 euros d'amende, et le sabotage. Les peines sont lourdes. Tout cela date du XXe siècle ! Une réflexion existe sur une meilleure proportion des sanctions. En effet, peut-être la dureté de la sanction encourue dissuade-t-elle le parquet de poursuivre et le juge d'instruction de procéder à des mises en examen. Trente ans de détention criminelle, cela tient au fait qu'il s'agit d'un crime, donc passible des assises ; or aucun juge d'instruction ne renvoie quiconque devant les assises pour intelligence avec l'ennemi actuellement. Pour autant, la correctionnalisation et un quantum de peine moindre pourraient donner le sentiment d'une moindre gravité. L'équilibre demeure à trouver.
Il faut aussi intégrer aux textes les évolutions que nous avons évoquées en parlant des réseaux sociaux et de l'utilisation des médias ou de proxys.