Intervention de Gabriel Ferriol

Réunion du jeudi 16 février 2023 à 15h30
Commission d'enquête relative aux ingérences politiques, économiques et financières de puissances étrangères-États, organisations, entreprises, groupes d'intérêts, personnes privées-visant à influencer ou corrompre des relais d'opinion, des

Gabriel Ferriol, chef du service de vigilance et de protection contre les ingérences numériques étrangères :

En période électorale, les ingérences numériques étrangères peuvent avoir quatre types de cible. Les premières sont évidemment les candidatures elles-mêmes : des acteurs souhaitant s'ingérer dans le processus électoral mènent des campagnes de dénigrement ou de promotion de certains candidats. Ces deux types d'attaque ne sont pas exclusifs l'un de l'autre : une candidature peut faire l'objet à la fois du soutien d'un acteur malveillant et du dénigrement d'un autre. Il arrive ensuite que les attaques visent les thèmes de campagne : les résultats du vote ne seront pas les mêmes selon que la campagne porte sur des sujets sociaux ou économiques. Les thèmes de campagne peuvent eux-mêmes faire l'objet d'une manipulation de l'information. Les médias traditionnels constituent le troisième type de cible. Enfin, ces attaques peuvent viser les institutions et le processus électoral lui-même : on a observé des cas de manipulation de l'information visant à décourager certaines parties de la population de voter au prétexte que la procédure électorale serait biaisée ou inopérante, ou que l'élection serait volée. Il fallait sécuriser la procédure de vote elle-même.

Tous les modes opératoires classiques peuvent s'observer : contrefaçon de contenus concernant les informations électorales ou les institutions ; usurpation d'identité pour prêter à une personnalité publique des propos qu'elle n'aurait pas tenus et essayer de la discréditer ; amplification de narratifs pour accroître ou modifier la visibilité de certaines idées dans le débat public numérique. Certains modes opératoires combinent une dimension cyber et une dimension informationnelle : ce fut le cas des MacronLeaks en 2017.

Viginum s'était organisé pour assurer le bon déroulement de l'élection de 2022. C'était un moment important pour la vie de ce jeune service ; sept équipes spécialisées étaient chargées de protéger les candidatures et les thèmes de campagne, avec le soutien de nos statisticiens, de nos mathématiciens et de notre laboratoire de données. Nous avions également noué des contacts avec d'autres administrations au sein de la gouvernance interministérielle de la politique publique de lutte contre les manipulations de l'information. Nous avions des liens avec l'ARCOM et la CNCCEP. Nous avions aussi des contacts plus informels avec la sphère académique et celle des fact checkers.

Au total, au cours des campagnes présidentielle et législative de 2022, nous avons détecté soixante phénomènes potentiellement inauthentiques ; douze ont donné lieu à une investigation approfondie et fait l'objet d'une note de caractérisation, pour voir s'ils répondaient aux quatre critères de définition de l'ingérence numérique étrangère ; ce fut le cas pour cinq d'entre eux. On a appelé Beth celui qui nous a paru le plus préoccupant. Nous avons communiqué dessus après avoir reçu mandat du Comité opérationnel de lutte contre les manipulations de l'information (COLMI) pour ce faire.

Qu'est-ce que le phénomène Beth ? Un candidat a fait l'objet d'une promotion très emphatique pendant plusieurs mois de la campagne. Quelques jours avant le vote, des médias alternatifs ont révélé qu'il aurait bénéficié du soutien de fermes à trolls. Telle qu'on l'a interprétée, la manœuvre visait à jeter le discrédit sur ce candidat, et plus largement sur la procédure de vote en France. C'est un phénomène que l'on a analysé, dont on a informé les plateformes, et sur lequel on a communiqué.

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