Viginum travaille sur une autre catégorie de menaces : les manipulations de l'information. Il s'agit d'un ensemble de techniques et de modes opératoires visant à altérer les perceptions collectives et l'accès à l'information, dans le but, in fine, d'orienter le comportement. Les objectifs visés par les personnes se livrant à ces activités sont, pour l'essentiel, d'éroder la confiance du public dans les institutions, de polariser des débats d'intérêt général, de créer ou d'amplifier des tensions au sein de la société. C'est une catégorie de menaces particulièrement sensible pour une démocratie, dont le bon fonctionnement repose sur le débat public.
Parmi les phénomènes divers relevant de la manipulation de l'information, Viginum est chargé d'identifier et de caractériser les ingérences numériques étrangères. Nous nous fondons sur quatre critères juridiques précis : l'atteinte potentielle à nos intérêts fondamentaux ; l'implication d'un acteur étranger – ce qui ne veut pas dire que l'on attribue une origine à l'attaque –; un contenu manifestement inexact ou trompeur, c'est-à-dire « dont il est possible de démontrer la fausseté de façon objective », selon les termes de la jurisprudence du Conseil constitutionnel ; une « diffusion artificielle ou automatisée, massive et délibérée », ou la volonté d'une telle diffusion.
Pour exercer cette mission, nous observons les réseaux sociaux et essayons de détecter des situations potentiellement inauthentiques. Nous examinons les comptes impliqués dans le débat public numérique en nous demandant s'ils appartiennent vraiment à des personnes physiques. Nous visons les contenus touchant à nos intérêts fondamentaux qui peuvent apparaître comme inexacts ou trompeurs et, par là même, traduire une manipulation de l'information. Enfin, nous essayons d'identifier les comportements anormaux, c'est-à-dire coordonnés ou aberrants. Nous visons par exemple des comptes qui ne dorment jamais, qui réagissent de façon systématique à d'autres comptes, qui s'organisent pour faire des signalements en essaim ou mettre en avant le même narratif au même moment sous diverses formes.
Nous nommons ces phénomènes « manœuvres informationnelles ». Quand nous identifions une situation de ce type, nous produisons un « relevé de détection ». Pour celles qui présentent des risques, nous entrons dans une phase d'investigation approfondie qui s'appelle la « caractérisation », pendant laquelle nous confrontons ce phénomène potentiellement anormal aux quatre critères que j'ai énoncés. C'est un travail à la fois technique et juridique.
Viginum assiste par ailleurs le SGDSN dans l'animation de la politique publique de lutte contre les manipulations de l'information, dans laquelle de nombreux ministères sont impliqués.
Dans le contexte d'élections nationales, nous avons également un rôle d'assistance des autorités garantes du bon déroulement des scrutins, notamment le Conseil constitutionnel et l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM).
Enfin, nous animons la coopération avec nos homologues étrangers.
Viginum est un service d'investigation, pas de police ou de renseignement. Notre objectif est l'observation et la description des phénomènes, mais nous ne menons pas d'actions répressives. Nous ne prononçons pas de sanctions ; nous ne déférons personne devant les tribunaux. Nous travaillons uniquement avec des contenus ou des données publiquement accessibles, c'est-à-dire que tout un chacun peut observer dans le débat public numérique, sans interagir avec les participants. Les agents de Viginum ne manipulent pas d'avatars, ne rejoignent pas de groupes fermés, ne postent jamais de messages : nous restons dans une posture d'observation. Nous n'accédons pas non plus aux conversations privées.
En tant que service technique et opérationnel, Viginum a pour rôle de produire des analyses qui guident les pouvoirs publics dans les mesures de contre-influence ou de contre-ingérence qui doivent être prises. Si nous apportons notre appui à la mise en place de ces actions, à aucun moment nous n'y participons nous-mêmes : ce sont d'autres administrations qui les mènent.
L'action de Viginum est suivie par un comité éthique et scientifique, placé auprès du secrétaire général, qui a accès à l'ensemble de notre production, notamment les fiches de traçabilité et les documents relatifs aux collectes automatisées que nous réalisons. Le comité peut formuler des recommandations et il rend chaque année un rapport – celui concernant l'année 2022 ne devrait pas tarder à sortir.